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Appui du comité régional des pêches au suivi de l’invasion du Crabe bleu

2eme phase de tests de filets de pêche et de nasses en 2022

Le Comité Régional des Pêches Maritimes et Élevages Marins d’Occitanie a porté durant 2 ans (2021-2022) une étude visant à comparer l’efficacité des différents engins de pêche sur la capture du Crabe bleu (Callinectes sapidus), et ainsi de conseiller le ou les dispositifs qui permettront de limiter au mieux la propagation de cette espèce sur le littoral méditerranéen. Financée par la région Occitanie, le FEAMP (Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche) et le CRPMEMO Occitanie, 2 phases expérimentales du projet ont eu lieu au cours de 2 stages de Master, appuyés techniquement par une dizaine de pêcheurs.

Durant la première phase expérimentale, le stage de Lena Croizer en 2021 a permis de lever l’information de capture suivant le type de filet calé sur 3 lagunes (Canet, La Palme et Leucate). Les résultats obtenus sur l’efficacité des deux types de filets étaient assez équivoques pour pouvoir consolider les méthodes de captures en 2022.

Les pêcheurs de Canet ont ainsi préféré réaliser eux-mêmes leurs filets sous forme de capéchades puisque celles calées sur l’étang de Canet se sont révélées beaucoup plus efficaces.

Une 2eme phase d’expérimentations s’avérait nécessaire en 2022 pour apporter des modifications aux capéchades, notamment sur le diamètre du fil pour plus de résistance, et l’utilisation d’un maillage de filets à adapter en fonction de la saison et de la taille des crabes. En parallèle de ces capéchades, de nouveaux tests pour les casiers ont été effectués et quelques modèles de filets maillants ont aussi été calés par les pêcheurs de Leucate et de La Palme.

La démarche a également consisté à analyser les captures en fonction des localisations des engins de pêche et des conditions environnementales.

 

[1]– Les 2 nouveaux modèles de capéchades testés sont faits de filets plus épais et de mailles plus larges, dites « claires » :

La première est une capéchade de maille 40 mm, afin d’éviter les captures accessoires, et le diamètre du fil utilisé est de 1,2 mm pour accroître la solidité théorique jusqu’à 18,6 kg. La seconde capéchade est faite du même fil mais est composée d’une maille de 20 mm.

De manière générale, les pêcheurs considèrent que les nouveaux modèles de capéchade sont les plus efficaces pour la lutte contre le crabe bleu. Un filet traditionnel pèse en moyenne 112g/m2 contre 144g/m2 pour le nouveau filet aux mailles de 20 mm et 130g/m2 pour celui aux mailles de 40 mm. Les pêcheurs eux-mêmes considèrent que des écarts de cette échelle sont « largement négligeables » durant l’usage.

>> Cartographie des zones de pêche au filet des pêcheurs de Canet (Couche de fond : Google Satellite)

– Avantages suite aux impacts observés sur les différents prototypes de filets :

Suite aux déchirures causées par le crabe, on dénombre en moyenne 2,4 trous par poche et 1,6 trou tous les 10m de paradière après un mois d’utilisation sans réparation.

Quoiqu’il en soit, ces résultats sont encourageants pour la durabilité du matériel, et il semble y avoir une baisse du temps de travail des pêcheurs dédié à la réparation de leurs filets. Ils gagnent ainsi plus de temps à consacrer aux autres tâches de leur métier et allègent leurs charges totales à manier.

Le facteur pénibilité du travail des pêcheurs est un élément très important à prendre en compte et à améliorer pour le bien de leur intégrité physique.

 

3 prototypes de nasses ont été testés en 2022 à l’étang de Canet, considérant que les densités de crabe bleu étaient suffisamment importantes pour qu’il s’intéresse aux appâts proposés :

>> Cartographie des emplacements des prototypes de nasses sur l’étang de Canet (couche de fond : Google Satellite)

Crédits : CRPMEM Occitanie

Installées dans l’étang de Canet, ni trop prêt, non trop loin des capéchades expérimentales pour que les résultats soient comparés aux captures dans les filets, les casiers ont été vérifiés une première fois 24h après leur pose puis 48h après. Aucune prise de crabe bleu ou de toute autre espèce n’a été constatée, les appâts étaient toujours en place et intacts, et les nasses non envasées.

Suite à cette analyse et après consultation des pêcheurs sur l’utilisation de ce type de nasses et casiers, ces engins de pêche semblent inefficaces face au crabe bleu en plus d’être inadaptés à l’étang de Canet et aux méthodes des professionnels.

 

L’étang de Canet-Saint-Nazaire a connu durant la saison 2022 des prises de crabes bleus encore bien plus conséquentes que l’année précédente avec un début de saison précoce. En avril seulement, la quantité cumulée de crabes bleus pêchés en 2022 dépassait celle de l’entièreté de la saison 2021, soit 3531 kg.

Il n’y a pas eu de remplacement aussi brusque qu’en 2021 entre les adultes et les juvéniles, dont aucun représentant n’a d’ailleurs été observé durant la période printemps-été 2022. L’unique changement démographique notable concerne les femelles ovigères. Les premières ont été pêchées le 18 avril 2022 avec un mois d’avance par rapport à 2021. Leur nombre est rapidement devenu très conséquent lui aussi avec parfois plusieurs centaines de femelles grainées prises par jour. Des disparités géographiques entre les sexes où seuls des mâles étaient pêchés dans le nord de l’étang ont été rapportées durant cette période.

L’étude actuellement portée sur l’étang de Canet devrait permettre d’obtenir des connaissances plus fines sur l’espèce (période de reproduction, de ponte, évolution de la croissance, etc.) ainsi que des précisions sur les localisations des différents stades capturés. Cela permettra de déterminer des tailles de maille à utiliser selon les stades du cycle de vie du crabe bleu.

Néanmoins, pour pouvoir rebondir sur ces résultats et le renforcement des engins de pêche existants (en nombre et type d’engin), il parait également nécessaire de prévoir de nouveaux projets pour faciliter l’acquisition de matériel de lutte contre cette espèce, car ces nouveaux engins de pêche ont un coût de fabrication supérieur aux modèles traditionnels.

 

Mathilde Charpentier, technicienne, CRPMEM Occitanie

[email protected] [3]

 

Source : mémoire de Julien Bavière, Stagiaire en Master 2 Gestion des Mers et des Littoraux à l’Université de Montpellier, 2022.