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Comprendre l’impact d’un enrichissement ponctuel en nutriments sur le fonctionnement d’une lagune à travers la réponse du phytoplancton

Des expériences d’enrichissement ont été menées en automne 2013, printemps et été 2014 pour comprendre le comportement du phytoplancton en réponse à un apport ponctuel en azote et en phosphore dans la lagune de Biguglia. Les résultats montrent que le phytoplancton est davantage stimulé par le nitrate en automne et au printemps et par l’ammonium en été. Des efflorescences de dinoflagellés ont été observées en automne et au printemps, alors qu’en été, une efflorescence de picocyanobactéries a été observée. Ces efflorescences indiquent un lien probable avec les stocks sédimentaires de nutriments et interrogent sur les mesures qui pourraient aujourd’hui être mises en place pour les réduire et ainsi diminuer le risque d’efflorescences algales potentiellement nuisibles.

Réponses du phytoplancton à un pulse nutritif expérimental dans la lagune de Biguglia

Contexte : La lagune de Biguglia, plus grande lagune côtière de Corse, est soumise à une pression anthropique croissante depuis les années 1980. Cette lagune reçoit d’importantes concentrations en nitrates de son bassin versant et des eaux souterraines (Erostate et al., 2018) et a montré par le passé des concentrations en nutriments plus élevées que dans la plupart des lagunes côtières du littoral français (Souchu et al., 2010; Pasqualini et al., 2017). En conséquence, des changements de son état écologique ont été observés, illustrés par un changement de la composition des producteurs primaires, et par l’apparition d’efflorescences algales de plus en plus fréquentes. Ces efflorescences, notamment de cyanobactéries et de dinoflagellés (Cecchi et al., 2016; Garrido et al., 2016) peuvent entrainer une forte mortalité des organismes vivant dans la lagune et avoir des effets délétères sur le fonctionnement global de la lagune. Il est donc primordial de comprendre les facteurs qui favorisent leur apparition. Au travers d’expériences d’enrichissement et de limitation nutritive in situ, nous avons tenté de mieux comprendre la relation entre la disponibilité des nutriments dans la colonne d’eau, et notamment d’un pulse nutritive, avec la composition des communautés phytoplanctoniques dans la lagune de Biguglia au cours de trois saisons témoignant d’un fonctionnement lagunaire contrasté.

Méthodes : Des expériences d’enrichissement in situ en azote (N) et en phosphore (P) ont été menées en automne 2013, printemps et été 2014. L’azote a été enrichi sous forme de nitrate et d’ammonium en automne, sous forme de nitrate au printemps et sous forme d’ammonium en été, pour refléter les apports provenant du bassin versant lors des saisons humides et de la reminéralisation lors des saisons plus chaudes. Une expérience de limitation nutritive en N et P a également été menée pour comprendre la réponse physiologique du phytoplancton à la limitation nutritive.

Expérience d’enrichissement et de limitation nutritive en bouteille polycarbonate au ponton de l’écomusée du fortin dans l’étang de Biguglia en septembre 2014

Résultats : Selon la saison, la composition du phytoplancton a montré des spécificités témoignant d’une réponse fonctionnelle à la dynamique lagunaire.

Les communautés phytoplanctoniques ont répondu différemment aux enrichissements nutritifs. En automne et au printemps, le phytoplancton de la lagune de Biguglia a davantage répondu à l’enrichissement en nitrate, mais dans une faible mesure, tandis qu’en été, les communautés des deux sous-bassins ont fortement répondu à l’enrichissement en ammonium. L’enrichissement n’a quasiment pas stimulé la croissance du phytoplancton en automne. Le phytoplancton a par ailleurs témoigné d’une forte co-limitation en azote et en phosphore au cours des trois saisons, malgré des concentrations en azote très élevées en automne et au printemps.

Ces résultats indiquent que le bloom de dinoflagellés en automne semble ne pas être uniquement lié à l’apport de nitrate du bassin versant dans la lagune. Ces organismes potentiellement mixotrophes pourraient utiliser une source alternative de nutriments, via la prédation sur d’autres organismes ou sur de la matière organique dissoute ou particulaire. A l’inverse, en été, les picocyanobactéries riches en phycocyanine semblent très réactives à l’ammonium, qui à cette saison ne provient pas du bassin versant (cours d’eaux majoritairement en assec) mais de la reminéralisation des stocks sédimentaires.

La composition des communautés et leurs réponses à l’enrichissement nutritif suggèrent donc un rôle prépondérant des stocks de nutriments sédimentaires dans l’apparition des blooms phytoplanctoniques. Ces nutriments peuvent en effet stimuler la croissance du phytoplancton au travers d’un relargage d’ammonium et de phosphate en été, ou constituer un stock de nutriments organiques dissous ou particulaire pour les organismes potentiellement mixotrophes tels que les dinoflagellés en automne et au printemps. Il semble donc nécessaire de réfléchir aux moyens qui pourraient être mis en œuvre pour réduire ces stocks afin de prévenir l’apparition d’efflorescences phytoplanctoniques potentiellement nuisibles.

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Contact

Amandine Leruste Calpena [1]