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Effets potentiels des pesticides sur la vie aquatique et la faune associée

Des invertébrés aquatiques aux anguilles et aux oiseaux

Date de publication : 12/12/2014

Déclins inexpliqués de certaines populations d’arthropodes ou de petits pélagiques, féminisation des peuplements, développement de cancer chez d’autres espèces, faiblesse du recrutement…On observe aujourd’hui certains dysfonctionnements dans les écosystèmes, qui restent encore difficiles à expliquer mais pourraient être la conséquence d’une présence récurrente de contaminants chimiques à faibles doses dans les eaux (Rapport PEPS LAG 2013).

 

Dominique Munaron, chercheur à l’Ifremer, le rappelait en décembre 2012 :

Deux types d’effets peuvent être observés en lagunes ou dans les milieux naturels en général:

Certaines espèces du haut de la chaîne trophique (anguille par exemple) sont plus affectées que d’autres par les conséquences de la bioaccumulation de ces molécules dans leur chair.

La contamination du réseau trophique du Vaccarès par des pesticides chlorés, Roche et al. (2009) : de la crevette à l’anguille et aux oiseaux

La contamination des zones humides camarguaises est le parfait exemple de la multi-contamination à tous les niveaux du réseau trophique, elle répond au processus de bioamplification dans l’étang de Vaccarès.

Cette aire protégée reçoit, outre les résidus de traitement des rizières, des effluents en provenance de la vallée du Rhône chargés en pesticides provenant des agrosystèmes bordant le fleuve. L’étang du Vaccarès sert de réceptacle par l’intermédiaire des canaux de drainage des rizières.

Depuis plus de 20 ans, il a été clairement démontré que des transferts de contaminants organiques ont lieu dans l’étang du Vaccarès.

Initialement, des métabolites du lindane et du DDT et occasionnellement des résidus d’heptachlore et d’endosulfan ont été détectés dans les coquilles d’oiseaux super-prédateurs.

L’anguille (Anguilla anguilla) constitue un excellent bio-indicateur de ces pollutions du fait de sa position élevée dans la chaîne alimentaire. La population d’anguilles camarguaises a développé des nécroses et des lésions hépatiques et branchiales plus ou moins réversibles en relation avec ces contaminations. Tous les pesticides recherchés ont été retrouvés chez près de 300 échantillons prélevés en 2002 et 2005 (printemps et automne). Parmi les contaminants analysés, on retrouve des substances agrochimiques récemment utilisés à l’époque aux alentours de l’étang, des organochlorés interdits (plus précisément fipronil, diuron, lindane, heptachlore, endosulfan, dieldrine, aldrine, endrine, HCB et DDE) et leurs métabolites. Les anguilles (juvéniles surtout) sont hautement contaminées au printemps et en automne.

Il en est de même chez les autres poissons. Les athérines ou éperlan (Atherina presbyterou) et les anguilles juvéniles sont fortement contaminées par le lindane, substance largement utilisée en riziculture jusqu’à son interdiction en juillet 1998. La persistance de certaines molécules se traduit par la présence d’heptachlore chez les muges, les anguilles juvéniles et les crevettes brunes collectées en 2002 et 2005 soit près de 20 ans après son interdiction ainsi que celle d’endosulfan chez les gammares et les anguilles en 2002 et par d’autres molécules organochlorées.

En fin de chaîne alimentaire, on retrouve les oiseaux qui du fait de leur haute position dans les réseaux trophiques subissent le phénomène de bioamplification.

En ce qui concerne l’ensemble du réseau, le diuron était la substance la plus fréquente dans le réseau trophique du Vaccarès en 2005. Cet herbicide urée-substituée était alors utilisé dans les vignobles et les plantations fruitières de la vallée du delta du Rhône.

Cette contamination est chronique, variable mais tend à régresser.

(Extrait de Biodiversité : victime silencieuse des pesticides [1], WWF 2012)

Hélène Roche & Marc Girondot

Université Paris Sud / laboratoire Ecologie systématique et évolution

>> Retrouver la présentation d’H.Roche lors du séminaire RSL de décembre 2006  [2]

Néonicotinoïdes: une menace majeure pour la biodiversité

Cf. Article du Journal de l’Environnement (JDLE) – 24 juin 2014 [3]

Les insecticides néonicotinoïdes constituent une menace majeure pour la biodiversité. C’est ce que démontre un groupe de chercheurs international qui conseille notamment l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et qui a analysé plus de 800 études scientifiques publiées depuis une vingtaine d’années.

Selon ce travail, les invertébrés aquatiques sont les 3èmes plus affectés par ces substances (la tête du classement étant occupée par les vers de terre et les insectes pollinisateurs (abeilles notamment).