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Enquête de perception des habitants du territoire de Thau par rapport à la lagune, sa gestion, ses usages et leurs évolutions – Principaux résultats

La réunion de restitution du projet s’est tenue à la Station Ifremer de Sète le 13 novembre 2023, organisée conjointement par Valérie DEROLEZ, Rémi MONGRUEL et Hélène REY-VALETTE. cf. Programme de la journée [1].

Le site du projet RETROSCOPE [2] a été alimenté de frises chronologiques pour représenter les principaux événements qui ont jalonné l’histoire des 3 sites ostréicoles étudiés de 1970 à 2018.

Les 2 vidéos des sessions de restitution sont en ligne

 


Enquête réalisée dans le cadre du projet RETROSCOPE (Approche comparée des trajectoires d’évolution des socio-écosystèmes à vocation conchylicole)

Tables d’élevage conchylicole sur la lagune de Thau © Shutterstock, FredP

1. Objectifs et précisions sur la méthodologie

Une enquête de perception a été réalisée en juin juillet 2021 auprès de 476 habitants en face à face (55%) dans les communes de Sète, Mèze, Bouzigues et Marseillan et en ligne (45%). Plusieurs thèmes ont été abordés : les perceptions et l’attachement à la zone, à la lagune et à la nature ; les perceptions actuelles et passées des rôles de la lagune ; les perceptions des types d’inégalités environnementales en lien avec la lagune et des politiques environnementales menées sur le territoire. Huit grandes catégories de rôles de l’écosystème lagunaire ont été explorées : la production de coquillages, la pêche, la flore, la faune et de la biodiversité aquatique, la richesse nutritive, la régulation de la qualité de l’eau, les possibilités d’activités récréatives et sportives (plongée, chasse, canoë, kite surf, planche à voile…), les paysages et les opportunités de balades et d’observation de la nature et enfin la contribution à la culture et au patrimoine local. L’importance attribuée par les habitants à ces différents rôles a été comparée aux évaluations des experts et scientifiques pour évaluer les consensus quant à la connaissance de l’importance de cet écosystème pour le territoire.

2. Attachement au territoire, perceptions et usages de la lagune

On note que parmi les personnes enquêtées, la durée de résidence dans la zone est plutôt élevée avec 30 ans en moyenne et un quart des enquêtés qui est originaire de la zone ou qui y réside depuis plus de 50 ans. Le traitement des mots spontanément donnés par les enquêtés pour qualifier le territoire fait ressortir une perception très positive de la lagune, mettant en avant la qualité du cadre de vie (26% des mots), la qualité de vie (25%), la beauté du cadre de vie, des paysages et la proximité des espaces naturels (17%), la dimension maritime (7%), la convivialité (6%), le climat (5%) et la culture locale (2%). Les aspects négatifs évoqués, surtout liés à l’urbanisation et à la perte d’identité, ne représentent respectivement que 7% et 4% des mots évoqués. Cette perception positive est renforcée par l’évaluation de la satisfaction de vie des habitants enquêtés qui s’élève en moyenne à 7,9 alors qu’elle n’est que de 7,2 à l’échelle nationale (échelle de 1 à 10).

Tandis que la pratique fréquente de promenades et randonnées autour de la lagune est très largement partagée par les habitants enquêtés, on note que près de la moitié pratiquent aussi des activités récréatives plutôt passives alors que les sports nautiques ou la pêche sont moins pratiqués de façon fréquente. Les perceptions et les émotions ressenties lors de la fréquentation de la lagune témoignent d’un apport significatif de cet écosystème au bien-être de population locale, avec des moyennes le plus souvent supérieures à 8 sur une échelle de 0 à 10 (Tableau 1).

Tableau 1 : Perceptions et émotions ressenties lors de la fréquentions de la lagune (échelle de 0 à 10)

3. Perceptions des apports actuels de l’écosystème lagunaire et perspectives à 15 ans

Le cœur de l’enquête portait sur les perceptions de l’importance des principaux rôles de la lagune pour le territoire au cours du temps c’est-à-dire : dans le passé (depuis les années 1970), actuellement, et concernant les perspectives futures à 15 ans. Il est intéressant de comparer les perceptions par la population avec les évaluations réalisées par les experts parties prenantes et les scientifiques.

Concernant les rôles actuels de la lagune (Tableau 2), hormis pour la production de pêche, dont la baisse n’est pas perçue par certains habitants, on note que les écarts sont plutôt faibles, ce qui atteste d’une relative bonne connaissance de la population par rapport aux rôles de la lagune.

Tableau 2 : Comparaison des perceptions des habitants et des experts et scientifiques concernant l’importance actuelle des rôles de la lagune pour le territoire (notes de 0 à 10, les couleurs orangées et rouges correspondent aux notes les plus élevées et les couleurs vertes aux notes les plus basses).

La sélection des quatre principaux rôles envisagés par les habitants pour le futur à un horizon de 15 ans (Figure 1) témoigne d’une sensibilité plus importante pour les dimensions patrimoniale et récréative (citées par respectivement 70% et 44% des habitants), tandis que le score de la production conchylicole, pourtant traditionnelle, n’est que très légèrement supérieur à 50%.

Figure 1 : Perception des rôles de la lagune, jugés important à l’horizon de 15 ans (fréquence de citation, en %, par les habitants enquêtés).

4. Perceptions et connaissance des rôles passés de l’écosystème lagunaire

Pour ceux qui résidaient dans la zone aux périodes historiques considérées (1970-1989 et 1990-2004, 2 périodes contrastées du point de vue de l’écologie, des usages et de la gestion de la lagune (Derolez et al. 2023)) et qui avaient alors au moins 16 ans, les habitants devaient aussi se prononcer quant à l’importance passée des différents rôles de la lagune. La comparaison de ces perceptions passées avec les évaluations des experts et scientifiques aux deux périodes (Tableau 3) témoigne d’un taux de connaissance largement moins fort, qui peut s’expliquer par des biais de mémorisation. La comparaison des évaluations montre que les plus grands écarts concernent surtout les rôles patrimoniaux et récréatifs qui ont été surévalués par les habitants, notamment pour la période passée la plus lointaine.

Tableau 3 : Comparaison des perceptions des apports passés de la lagune au territoire (notes de 0 à 10, les couleurs orangées et rouges correspondent aux notes les plus élevées et les couleurs vertes aux notes les plus basses).

Outre l’évaluation de l’importance des différents rôles dans le passé, les enquêtés étaient invités à noter les facteurs à l’origine des changements observés. Le traitement des thèmes évoqués permet de faire ressortir les principaux faits et évolutions jugées importants par les habitants. Ces faits et évolutions sont souvent fonction des types de rôle joués par la lagune, mais on observe que certains sont communs à plusieurs catégories : pollution, malaïgues, hippocampe, assainissement, aménagement, tourisme, prise de conscience, climat.

5.Perceptions des politiques et des inégalités environnementales 

L’enquête portait aussi sur les perceptions des critères de justice relatifs aux politiques environnementales, sur la qualité de ces politiques et les types d’inégalités auxquels les habitants étaient le plus sensibles. C’est la préservation de l’environnement et la responsabilisation des auteurs de dégradation qui ont les meilleurs scores, suivis par la recherche du bien-être du plus grand nombre.

Concernant la qualité des politiques environnementales, les scores sont plutôt moyens, voire inférieurs à la moyenne pour la concertation et l’intégration des dimensions sociales et des inégalités, qui obtiennent le plus faible score (4,3 et 4,4/10). Interrogés sur les critères de confiance aux institutions chargées de ces politiques, les habitants citent en premier choix la compétence technique, mais aussi les liens avec les scientifiques et la transparence, tandis que le caractère concerté et le caractère juste des mesures sont souvent choisis en deuxième.

Concernant les types d’action à privilégier pour réduire les inégalités perçues, les enquêtés ont largement privilégié : le fait de tenir compte des efforts des habitants, des usagers ou des activités pour préserver l’environnement dans la fiscalité ou les mesures proposées (68%), le fait d’assurer une représentation équilibrée des populations et activités (26%), tandis que le fait de tenir compte des inégalités liées à la localisation géographique par des actions différentiées n’a été choisi que par 6% des enquêtés.

 

Projet RETROSCOPE [3]

– Publications : Derolez Valérie, Mongruel Remi, Rey-Valette Hélène, Lautrédou-Audouy Nicole (2023). Trajectory of a coastal social-ecological system: analyzing co-evolution and regime shifts in the Thau lagoon (Mediterranean Sea, France), 1970–2018. Regional Environmental Change, 23(2), 68 (12p.). https://doi.org/10.1007/s10113-023-02061-y [4]

Derolez Valérie, Mongruel Remi, Adjeroud Fériel, Rey-Valette Hélène, Nicolle Dorian, Lautrédou-Audouy Nicole (2023). How do coastal residents perceive past and future changes in a Mediterranean lagoon ecosystem services? Ocean & Coastal Management, 238, 106556 (10p.). https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2023.106556 [5]  https://doi.org/10.1007/s10113-023-02061-y [4]

Nicole Lautrédou-Audouy et Hélène Rey-Valette, Centre d’Economie de l’Environnement de Montpellier ([email protected] [6], [email protected] [7]) ; Valérie Derolez, MARBEC- Ifremer Sète ([email protected] [8])