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Etat d’avancement du projet Connect-Med sur la migration des poissons entre les lagunes et la mer

Le projet Connect-Med (connectivité des poissons à l’interface lagune – mer en Méditerranée) est un projet de recherche mené par l’UMR MARBEC depuis 2017. Il cible quatre espèces côtières : la daurade royale, le loup, le muge et la saupe, au sein des lagunes méditerranéennes. L’objectif du projet est de mieux comprendre la connectivité de ces espèces entre les lagunes et la mer en fonction de différents types d’habitats, naturels ou exploités (conchyliculture) et des conditions environnementales (température de l’eau, vent, oxygène…).➡️Voir notre précédente brève [1]

En 2020, l’étude fait état d’un total de 600 poissons marqués, soit en lagune, soit en mer. Du fait de ces campagnes de marquage/suivi des individus, l’UMR Marbec a pu recueillir entre 1,5 et 3 ans de données de suivi et continuera à acquérir des données de ces poissons ces 2 prochaines années. Aujourd’hui, plusieurs millions de détections ont été acquises grâce au réseau d’hydrophones positionnés en lagunes et en mer. Une grande majorité de ces poissons marqués a été revue par ce réseau d’hydrophone en dehors du site de marquage.

Ce réseau d’hydrophones permet en particulier de suivre les passages aux graus et sur les sites stratégiques (en mer, zones conchylicoles en lagunes …). Ce dispositif étant bien étendu à l’échelle du littoral d’Occitanie et jusqu’à Marseille, il permettra de comprendre le déplacement des espèces marquées au sein du réseau et de savoir ce qu’elles font tout au long de l’année, de déterminer où se situent leurs sites d’alimentation et probablement les sites de reproduction pour certaines espèces.

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Carte de localisation des hydrophones

Beaucoup de données, encore en analyse, permettront de bien comprendre comment ces espèces migrent à l’échelle inter-lagunaires, mais aussi à l’échelle régionale.

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Nombre de daurades marquées

Sur le volet de la communication, la diffusion d’articles dans les journaux locaux et de 300 affiches posées à de nombreux endroits (centres de plongée, poissonneries, magasins d’appâts, ports, comité régional des pêches et prud’homies…) a permis de montrer comment contribuer à cette campagne de suivi.

Des pêcheurs ont ainsi relayé leurs informations à l’Ifremer après avoir pêché un individu marqué, soit une trentaine de poissons (daurades et loups) marqués, capturés un peu partout en lagune ou en mer. Ces informations fournies par les professionnels sont précieuses car elles permettent d’observer la croissance entre le moment du marquage et celui de la recapture.

Étude portant sur les saupes à l’étang du Prévost

En 2019, 41 individus de saupe, puis 50 en 2020, ont été marqués puis relâchés dans l’étang du Prévost. En 1 an et grâce au réseau fin de stations d’écoute dans cette lagune (30 hydrophones), les résultats montrent qu’elles utilisent bien la lagune durant l’été, et qu’en dehors de cette période elles vont partout en milieu côtier et lagunaire, pouvant même parcourir des centaines de kilomètres pour rejoindre les côtes marseillaises ou la frontière espagnole. Les récentes campagnes de suivi ont permis de voir que les saupes se dispersent beaucoup au sein d’une lagune, mais aussi entre lagunes pour manger pendant l’été et que durant la phase hivernale, elles sont capables de se disperser sur l’ensemble de la bande côtière du golfe du Lion.

Test d’effet de la température et de l’hypoxie sur la daurade en bassin de nage

« Il est bien connu à l’étang de Thau que de nombreux pêcheurs attendent le 1er coup de mer d’octobre pour pêcher les daurades qui quittent massivement la lagune pour regagner la mer, probablement parce que les eaux y sont déjà plus chaudes qu’en lagune.»

L’objectif est de tester l’influence de la température ainsi que l’oxygénation du milieu sur le métabolisme de la daurade. Si cette étude permettra la mise en évidence des seuils de tolérance extrêmes pour cette espèce, à terme, elle devrait aussi aider à mieux comprendre :

– quels sont les facteurs environnementaux déclenchant un départ massif des daurades de l’étang vers la mer au début de l’automne,
– comment sa migration pourrait évoluer avec l’effet du changement climatique sur la température des lagunes et de la mer,
– ou encore l’impact de phénomènes comme les malaïgues (température élevée et manque d’oxygène dissous dans l’eau) sur la fréquentation des lagunes par cette espèce.

Cette manipulation, quasiment finalisée, s’est portée sur une trentaine de daurades pêchées sur le secteur de Leucate. Les individus ont été sélectionnés selon leur poids, entre 300 à 500 g, afin qu’il soit compatible avec les conditions de test en bassin de nage et pour le suivi de leur rythme cardiaque durant l’expérience. Pour ce faire, les chercheurs ont développé une nouvelle technique permettant l’implantation d’une marque électronique suivant le rythme cardiaque de chaque individu. En récupérant les électrocardiogrammes durant les tests à la température à l’hypoxie, il est alors possible de savoir quelle est la gamme de température favorite des daurades, mais aussi, celles qu’elles n’apprécient pas et les extrêmes qu’elles ne supportent pas.

Test sur la Daurade en bassin de nage © Ifremer

Prochaine étape : analyser les millions de données récoltées et commencer à dessiner les grands patrons de déplacement de ces espèces entre lagune et mer !

Les premiers résultats de la phase expérimentale en bassin sont attendus fin 2020, et ceux sur la migration de ces espèces durant le premier semestre 2021.

 

J. Bourjea, IFREMER/UMR MARBEC, [email protected] [4]

A. Mignucci, IFREMER/UMR MARBEC, [email protected] [5]