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Les performances alimentaires des flamants roses dépendantes de la qualité des zones humides lagunaires

La réponse fonctionnelle non linéaire pour un filtreur: le flamant rose (Phoenicopterus roseus)

Date de publication : 20/02/2013

 

La réponse fonctionnelle est la variation du taux d’ingestion en fonction de la densité de nourriture. A titre d’exemple, un prédateur qui se trouve avec 6 proies dans 10m² n’aura pas la même efficacité d’ingestion que si ces 6 proies se trouvaient sur 1ha (principalement car le temps de capture ne sera pas le même). Il s’agit d’un paramètre fondamental lorsqu’on s’intéresse à l’écologie alimentaire d’une espèce. La réponse fonctionnelle est également un paramètre clé pour de nombreux modèles spatiaux utilisés en écologie pour prédire la réponse des populations animales aux changements d’habitat.

Dans le cadre d’un travail de thèse effectué à la Tour du Valat en collaboration avec d’autres centres de recherches (cf. liste ci-dessous), la réponse fonctionnelle du flamant rose (Phoenicopterus roseus) a été étudiée.

Les flamants roses sont principalement filtreurs, et possèdent un régime diversifié constitué d’invertébrés aquatiques (principalement l’Artémie (Artemias spp) trouvés dans les marais salants et les larves de Chironomes), ainsi que des graines de plantes aquatiques telles que le riz.

La réponse fonctionnelle a été mesurée au zoo de Bâle en Suisse sur 11 flamants captifs en testant ces trois principaux types de nourriture. Pour chaque type de nourriture, différentes densités de nourriture ont été présentées, jusqu’à 13 fois ce que l’on peut trouver en conditions naturelles. Les enregistrements vidéo des animaux ont permis d’estimer les taux d’ingestion en fonction de la densité initiale de nourriture (calculés comme le temps passé par le flamant le bec dans l’eau sur le nombre de proies ou de grains de riz effectivement ingéré(s)s).

Contrairement à ce qu’on pouvait attendre d’un filtreur, le taux d’ingestion ne variait pas linéairement avec la densité de nourriture. Selon le type de nourriture considérée, le taux d’ingestion diminuait asymptotiquement ou suivait une forme sigmoïdale.

Autrement dit, d’après cette étude, le flamant n’est pas capable d’ingérer la nourriture proportionnellement à la densité présente : ce n’est pas parce que la densité augmente qu’il sera capable d’en ingérer toujours davantage. Ces résultats montrent que les flamants pourraient être plus limités qu’attendu dans leurs capacités à ingérer de grandes quantités de nourriture, probablement en raison de la structure unique de leur bec qui présenterait des capacités limitées de filtration.

Par ailleurs, d’après cette étude, les flamants roses mettent plus de temps à extraire des larves du sédiment que des Artémies de la colonne d’eau, possiblement en raison d’une obstruction des lamelles du bec par le sédiment. Ceci révèle l’intérêt des Artémies pour les flamants. D’autre part, se nourrir à partir de riz est énergétiquement plus profitable pour les flamants que de se nourrir d’Artémies ou de larves de Chironomes, expliquant leur attirance pour les rizières.

Enfin, cette étude montre également que les densités alimentaires requises pour que le flamant atteigne des taux d’ingestion asymptotiques, sont rarement rencontrées en conditions naturelles, et quelque soit le type de nourriture présenté dans cette étude. Ceci permet de prédire un effet négatif immédiat d’une baisse de densité de proies sur les performances alimentaires du flamant.

Crédit photo : Etude menée en captivité sur les flamants au zoo de Bâle (Suisse).Crédits photos : Anne-Sophie DEVILLE/Tour du Valat

Référence bibliographique :

Non-linear feeding functional responses in the Greater Flamingo (Phoenicopterus roseus) predict immediate negative impact of wetland degradation on this flagship species.
Auteurs : Anne-Sophie Deville*(1,2), David Grémillet(2,3), Michel Gauthier-Clerc(1,4), Matthieu Guillemain(5), Friederike Von Houwald(6), Bruno Gardelli(6) & Arnaud Béchet1, accepté dans la revue périodique Ecology and Evolution.

 

Anne-Sophie Deville
Doctorante en écologie

Tour du Valat

Le Sambuc – 13 200 Arles

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1Centre de recherche de la Tour du Valat, Le Sambuc, 13200 Arles, France                                       

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5Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, CNERA Avifaune Migratrice, La Tour du Valat, Le Sambuc, F-13200 Arles, France

6Basel zoo, Bachlettenstrasse, 75  4054 Basel, Switzerland