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Parole d’acteur sur le Crabe bleu

Retour sur l’expérience de Roland MIVIERE, Chargé de Mission Natura 2000 et Biodiversité au Syndicat du Bassin Versant du Réart (SMBVR), à SALEILLES.

L’animation du site Natura 2000 porte sur 1872 ha dont 1150 ha appartiennent au Conservatoire du Littoral.

Crédit photo : SMBVR

Bien que le signalement du crabe en 2018-2019 ait interpelé le gestionnaire, le faible nombre de crabe capturé n’a pas engendré de prise de conscience et d’initiatives techniques et financières pour suivre davantage cette espèce, initialement considérée comme marine. C’est en 2020, à l’initiative du Parc Naturel Marin du Golfe du Lion et l’Office Français de la Biodiversité, que le risque « Crabe bleu » est devenu plus préoccupant et à débouché sur des tests de capture par nasses expérimentales. Lors des campagnes de piégeages estivales, le gestionnaire du site a été plus associé et impliqué, et a commencé à appréhender l’espèce en termes de nuisance et de menace. Soucieux de vouloir intervenir, le gestionnaire s’est toutefois heurté à quelques difficultés statutaires pour soutenir les pêcheurs qui ont commencé à ne pêcher que des crabes au lieu des habituelles anguilles. Le SMBVR n’ayant pas de compétences sur les volets économiques de la pêche, pas plus que le Parc Naturel Marin du Golfe du Lion ne pouvait intervenir en lagune, la fin d’année 2020 a cristallisé quelques frustrations du fait d’une volonté d’agir mais d’une incompatibilité administrative à le faire.

C’est en décembre 2020 qu’un projet initié par le Cépralmar sur des crédits du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) a permis de doter les pêcheurs en filets adaptés à la capture du crabe. 2021 a donc été une année dédiée à la capture et aux premières études de biologie et d’écologie  réalisées sur l’espèce par l’Observatoire Océanographique de Banyuls. Ces pêches intensives ont permis de constater l’explosion démographique du crabe dans la lagune, et de plonger les pêcheurs dans une grande précarité économique. Cet état catastrophique, suivi par le Comité Régional des Pêches Maritimes, et le gestionnaire, relayé a un forum de gestionnaires, et médiatisé de manière intensive, ont permis d’enclencher un travail de connaissance, de suivi et de luttes à échelle régionale avec la création d’un Plan d’Actions Régional et la mobilisation de crédits importants par la DREAL, La Région, et l’Office Français de la Biodiversité.

© SMBVR

Les premiers maillons de l’observation et de la connaissance de l’espèce sont les pêcheurs. Une relation particulière de proximité et de confiance s’est instaurée avec eux. Sans eux, le plan d’action et de recherche n’aurait pas de sens. Ils sont de véritables sentinelles. Nous essayons d’être en contact une fois par semaine, par téléphone ou directement sur site.

Le Syndicat a été identifié comme porteur de projet d’un volet scientifique du plan d’action régional. A ce titre une relation de proche partenariat va se mettre en place avec le Comité Régional des Pêches Maritimes, l’observatoire océanographique de Banyuls, et l’université de Perpignan qui vont déployer des études pour mieux lutter contre cette espèce invasive.

Des réunions régulières seront instaurées avec ces acteurs tout au long de leur investigation.

La lagune de Canet-St Nazaire est la plus « vieille » de Méditerranée et est très particulière dans sa conception et son fonctionnement. Ses problématiques diverses peuvent représenter un prévisionnel pour les autres Lagunes, une sorte de laboratoire régional. Il est donc important de communiquer régulièrement les résultats et observations concernant le crabe bleu, pour que les collègues gestionnaires soient préparés au mieux. Pour cela, le SMBVR s’appuiera sur le Pôle-relais lagunes, et ses groupes de travail pour diffuser les informations nécessaires

Il faut à compter d’aujourd’hui faire preuve de vigilance et de réactivité face à cette espèce afin de la contenir le temps qu’une réponse écologique (et/ou économique) voie le jour. Au vu du pouvoir de reproduction phénoménal de cette espèce, la capture de quelques individus doit interpeler en premier lieu. Le suivi des conditions abiotiques du milieu est également à corréler aux observations afin de bien cerner le préférendum de cette espèce. La remontée d’information peut même être destinée au navigateur plaisancier sur les côtes puisque ce crabe peut nager.

Pour mesurer l’agressivité et la pugnacité de ce crabe il suffit de voir avec quels types de gants les pêcheurs les sortent des filets. Mais cette impression est décuplée lorsque les pêcheurs retirent ces gants et dévoilent des mains parsemées de nombreuses coupures et blessures, en dépit de ces protections !

Un des pêcheurs de l’étang m’a même affirmé avoir dû amputer un crabe d’une pince, pour l’ôter de son doigt.

Ce crabe est affublé de plusieurs surnoms évocateurs : « Crabe Attila » ou même « Crabe Daesh » pour évoquer sa férocité !

 

Roland MIVIERE, Chargé de Mission Natura 2000 et Biodiversité au Syndicat du Bassin Versant du Réart

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