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Services écosystémiques et priorités de conservation

Faciliter la prise de décision entre acteurs des milieux lagunaires

Source : Identifying Consensus on Coastal Lagoons Ecosystem Services and Conservation Priorities for an Effective Decision Making: A Q Approach [1] [1]
Auteurs : Mariam Maki Sy[a] [1], Hélène Rey-Valette [b] [1], Monique Simier[c] [1], Vanina Pasqualini[d] [1], Charles Figuières[e] [1], Rutger De Wit[a] [1]

Une copie pdf de l’’article est en accès libre jusqu’au 20 septembre en utilisant le lien suivant :
https://authors.elsevier.com/a/1XUq23Hb~0ElbY [2]
Après cette date vous pouvez contacter les auteurs pour demander une copie.

 

Cyclistes sur les étangs palavasiens ©N. Barré / Pôle lagunes

Quelles valeurs les acteurs des territoires lagunaires de Biguglia et des étangs palavasiens attachent-ils à la nature ? Le laboratoire MARBEC a mené une enquête, basée sur une approche non monétaire, qui fait ressortir des niveaux de consensus et de divergence quant à la priorisation des services écosystémiques. Ces résultats peuvent aider à une prise de décision efficace en matière de conservation.

Les sites de Biguglia [3] au nord est de la Corse, proche de la ville de Bastia et le site des étangs palavasiens [4] proche de Montpellier en Occitanie ont été les deux territoires choisis par le laboratoire Marbec de Montpellier et ses partenaires pour mener cette étude. Ces territoires lagunaires riches de par leur biodiversité et leurs ressources naturelles, ont la particularité d’être périurbains, et d’être entourés de nombreux espaces naturels, semi-naturels et agricoles.

Ils représentent des bénéfices pour les populations locales, et de nombreuses activités humaines y sont très présentes, telles que des activités récréatives (découverte naturaliste, sports nautiques, ….) et des activités traditionnelles (pêche, chasse, ostréiculture…). Cependant depuis des décennies ces milieux sont, en raison de leur proximité des villes, fortement touchés par la fréquentation humaine et les diverses pollutions d’origine anthropique. Ils ont besoin de mesures de conservation qui doivent être combinées avec des usages durables.

L’attribution de valeurs monétaires aux services écosystémiques s’avère problématique, car un certain nombre de services s’y prêtent très mal. Par conséquence, ces méthodes, dites de monétarisation, sont souvent rejetées par les parties prenantes. Ce rejet ne se base pas uniquement sur ce biais méthodologique, mais parfois également sur des arguments de type éthique et sociétal.

Pour aborder ces questions avec les acteurs cibles de ces territoires, de nouvelles voies de recherches de systèmes d’aide à la décision ont souligné le rôle de l’évaluation des services écosystémiques pour établir des priorités de conservation en évitant des approches de monétarisation.

Étang de Biguglia © Conservatoire du littoral

Des résultats regroupant des points de vue…

Sur ces deux territoires lagunaires, 57 interviews ont été menés (30 sur les étangs palavasiens et 27 sur la réserve de Biguglia) pour une analyse « Q »[2] [5]. Celle-ci vise à identifier les niveaux de consensus et de divergence de ces acteurs quant à la priorisation des services écosystémiques fournis par ces sites lagunaires. Les acteurs sollicités pour l’étude ont ainsi été groupés en 7 catégories : gouvernance locale, secteur privé, associations (ONG), scientifiques, public et secteurs parapublics ; gestionnaires de sites et résidents locaux. La méthode d’échantillonnage utilisée ne nécessite pas un large nombre d’enquêtés. Le but n’est pas de chercher la représentativité au niveau de l’ensemble des parties prenantes. Il s’agit plutôt d’avoir une diversité de points de vue en termes de priorités de conservation des services écosystémiques.

Les résultats ont mis en évidence qu’entre les catégories des parties prenantes,  il y a un fort consensus autour des services de régulations et de maintenance de ces sites naturels. Les lagunes, de par leur localisation, permettent de réguler les phénomènes naturels et de maintenir le bon fonctionnement écologique des habitats. Ainsi, les services « Nurserie et Habitat » et « Régulation des inondations et protection des terres intérieures contre les tempêtes et la salinité » sont les services  considérés comme une priorité de conservation.

Trois groupes de parties prenantes, partageant le même point de vue quant à la conservation des services écosystémiques, ont été identifiés pour chaque site d’étude. Le premier groupe de parties prenantes partage une vision environnementale et hédonique. Il privilégie principalement les services de régulation et de maintenance, ainsi que les services liés aux aspects esthétiques et symboliques des sites étudiés. Par rapport aux autres groupes, ces acteurs sont principalement des agents publics et parapublics ainsi que des résidents locaux. Le second groupe est en faveur d’une approche environnementale et territoriale, généralement axée sur une vision de l’environnement considérée comme un indicateur de qualité d’un territoire. Dans ce groupe on trouve surtout les ONG et les représentants des gouvernements locaux. Enfin, la vision de la sensibilité environnementale et patrimoniale est partagée par les parties prenantes qui privilégient principalement les services de régulation et de maintenance ainsi que l’identité locale. Il n’y a pas de tendance claire au sein de ce groupe en termes de composition.

En évitant de déclencher un réflexe de rejet par l’évocation d’une monétarisation des services écosystémiques, et en se basant seulement sur les valeurs exprimées par les parties prenantes, la méthodologie  « Q » a joué un rôle important pour développer une nouvelle approche pluraliste d’aide à la décision.

Etangs palavasiens © SIEL

 

[1] [6] Cette étude menée dans le cadre des travaux de thèse de Mariam Maki Sy est financée par le fonds Labex DRIIHM (Device for Interdisciplinary Research on human-environments Interactions”  et par l’Observatoire Hommes-Milieux Littoral méditerranéen. Ce travail a été mené en collaboration technique avec les structures gestionnaires des deux sites étudiés, à savoir le Syndicat Mixte des Etangs Littoraux (SIEL) sur les étangs palavasiens et de la Réserve Naturelle de Biguglia.

[2] [7] La méthode « Q » est une approche semi-qualitative permettant une analyse systématique de la subjectivité humaine à travers des procédures de collecte de données et des méthodes statistiques rigoureuses. Se rapporter à la référence ci-après pour en savoir plus sur la méthode (pages 699 – 702) : Given, L., 2008. The SAGE Encyclopedia of Qualitative Research Methods, SAGE Publications, Inc., 2455 Teller Road, Thousand Oaks California 91320 United States. doi:10.4135/9781412963909.

 

[a] [6] MARBEC (Université de Montpellier, IRD, Ifremer, CNRS), Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier Cedex 5, France

[b] [6] Centre d’Économie de I ‘Environnement – Montpellier (Université de Montpellier, CNRS, INRA, Montpellier SupAgro), Avenue Raymond Dugrand, 34000 Montpellier,France

[c] [6] MARBEC (Université de Montpellier, CNRS, Ifremer, IRD), Avenue Jean Monnet, 34203 Sète, France

[d] [6] Université de Corse, UMR SPE & UMS Stella Mare (CNRS, Université de Corse), BP 52, Université de Corse, 20250 Corte, France

[e] [6] Aix-Marseille Université, UMR AMSE (CNRS, EHESS, École centrale de Marseille, Université d’Aix-Marseille), 5 boulevard Maurice Bourdet, CS 50498, 13205 Marseille