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Suivi des déplacements du Crabe bleu en Méditerranée : premiers enseignements de la télémétrie acoustique

Dans le cadre de la dynamique invasive du Crabe bleu (Callinectes sapidus) en Méditerranée française, deux études de télémétrie acoustique d’une ampleur inédite ont été déployées en Occitanie et en Corse. L’objectif est de mieux comprendre les déplacements, l’activité et l’utilisation des habitats (lagunaire et marin) par l’espèce, afin d’orienter plus efficacement les actions de gestion. Présentés lors de la 4e Conférence interrégionale Crabe bleu à Mauguio, les premiers résultats offrent un éclairage nouveau sur les comportements différenciés entre mâles et femelles, ainsi que sur le rôle déterminant des conditions environnementales, en particulier la salinité.

Le dispositif repose sur un réseau de 133 hydrophones, installés à la fois en mer, dans les graus et dans 4 lagunes méditerranéennes : Canet-Saint-Nazaire, Salses-Leucate, Méjean (étude en Occitanie) et Biguglia (étude en Corse). Ces sites ont été choisis pour leur diversité hydrologique, leurs situations sur la façade maritime, leurs degrés de connectivité à la mer et leur exposition variable à l’invasion.

Entre 2023 et 2025, 135 individus ont été marqués au total (31 en Corse et 104 en Occitanie), avec une répartition équilibrée entre mâles et femelles, et une attention particulière portée aux femelles grainées. Chaque émetteur transmet toutes les 30 secondes (Corse) ou 90 secondes (Occitanie) des données, permettant une analyse fine de la distribution temporelle et spatiale des détections.

Les premières analyses montrent des différences marquées entre les deux sexes. Les femelles présentent des comportements plus exploratoires : elles se déplacent davantage, utilisent des surfaces plus vastes (e.g. résultats en Corse : jusqu’à 5,23 km² en KUD[1] [1] contre 1,22 km² pour les mâles) et montrent une activité nocturne plus soutenue. Elles tendent également à quitter les lagunes en été et en hiver, probablement à la recherche de conditions favorables ou pour rejoindre le milieu marin pour pouvoir effectuer la ponte des œufs.

À l’inverse, les mâles se révèlent plus sédentaires, occupant des zones plus restreintes et manifestant une activité plus importante en journée. Ils apparaissent davantage liés aux secteurs de salinité moyenne ou basse, notamment en période estivale.

La salinité constitue un facteur clé dans l’organisation spatiale de l’espèce. Les femelles montrent une préférence forte pour la gamme 32–34 PSU, tandis que les mâles disposent de deux fenêtres favorables : 14–20 PSU et 34–38 PSU, avec une occurrence maximale autour de 18–20 PSU. Ces préférences expliquent en partie la distribution observée dans les lagunes : forte concentration des femelles aux graus ou en zone nord-ouest à Salses-Leucate, repli hivernal net à Canet-Saint-Nazaire, ou occupation variable à Méjean selon les saisons.

Les écarts entre sites témoignent également de l’influence de la configuration physique des lagunes et de leur degré d’ouverture vers la mer. Par exemple, Biguglia apparaît particulièrement favorable, avec des conditions de salinité et de température permettant une activité élevée et une occupation diversifiée des habitats.

Ces résultats, bien que préliminaires, constituent un pas essentiel vers une meilleure compréhension de la dynamique spatio-temporelle du Crabe bleu, et donc vers des stratégies de gestion plus ciblées. Les perspectives incluent l’intégration des données environnementales (salinité, température, échanges lagune-mer), l’extension du suivi à davantage de sites, et la couverture de plusieurs cycles annuels afin de mieux saisir les variations interannuelles.

 

L’étude en Occitanie, portée par la Fondation Biotope pour la Biodiversité, a bénéficié du soutien technique et financier de la DREAL Occitanie et du Fonds vert.

 

➔ Télécharger la présentation du 6 novembre 2025 – 4ème conférence interrégionale Crabe bleu [2]

«Suivi des déplacements de Callinectes sapidus par télémétrie acoustique dans les lagunes méditerranéennes françaises et en proche côtier» [2]

 

Marie GARRIDO – OEC
[email protected] [3]

Eric DURIEUX – UCPP
[email protected] [4]

Romain BERTHO – Biotope
[email protected] [5]

Noémie JUBLIER – Blue Survey
[email protected] [6]

Lucas BERENGER – Biotope
[email protected] [7]

 


[1] [8] KUD : Kernel Utilisation Distribution (Blanc et al., 2005)