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Valorisation des services récréatifs et éducatifs des zones humides méditerranéennes

Application sur des sites Ramsar de Camargue et de Tunisie (Lac d’Ichkeul)
 

Suivre les services rendus par les zones humides… une problématique traitée par l’Observatoire des zones humides méditerranéennes à une échelle internationale

Dans les années 1970, une séparation grandissante entre l’homme et la nature est constatée. Afin de les réconcilier, et cibler les économistes et les acteurs du développement, il a fallu adapter la communication afin de valoriser la nature.[1] [1] Le principe de service des écosystèmes apparaît en 2005 avec les Objectifs Écosystémiques du Millénaire (MEA : Millénium Ecosystem Assessment). Dans le cadre de la Convention de Ramsar, le groupe de réflexion de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéenne [2] (OZHM) a décidé, dès 2010, et le comité MedWet [3] ont décidé de mettre en place un indicateur des services culturels rendus par les écosystèmes. L’année 2011 a été consacrée à la mise en place méthodologique de la collecte de données de cet indicateur et à l’identification des sites favorables à la mesure de cet indicateur.

Après une première phase de test de l’indicateur des services culturels des Zones Humides sur le site de Sidi Boughaba au Maroc en 2012, l’évaluation s’étend sur trois sites en Camargue en 2013. Sept autres sites sont analysés dans d’autres pays cette année. A terme, le projet couvrira 25 sites dans 10 pays méditerranéens. Cette étude permettra d’apporter un angle de vue complémentaire du rôle et des bénéfices rendus par ces écosystèmes afin de communiquer auprès de trois types d’acteurs principaux : le grand public, les décideurs locaux, les décideurs nationaux.

Au niveau régional, ces études réalisées durant l’été 2013 serviront également de référence aux décideurs supra-nationaux, en particulier les conventions de Ramsar et de la Diversité Biologique, intéressés par l’amélioration des suivis et de la connaissance des services des écosystèmes. Une étude comparée des trois sites de Camargue est prévue dès la fin 2013.

Crédit photo : Marais du Vigueirat.

 

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Retrouvez ci-dessous les 3 études sur les services récréatifs et éducatifs des zones humides méditerranéennes :

– cas des Marais du Vigueirat (Mas Thibert, Arles) [4]
cas du centre du Scamandre (Gallician, Gard) et de Pont de Gau (Stes Maries de la mer) [5]
cas du Lac d’Ichkeul au nord est de la Tunisie [6]

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Etude menée par Marion Suc – 2013 : « Analyse des services récréatifs et éducatifs des zones humides en Méditerranée : Cas des Marais du Vigueirat ( Camargue France )

[7]Intégrés dans le territoire du Parc Naturel de Camargue, les Marais du Vigueirat font partie des 6 millions d’hectares suivis par Ramsar dans le bassin méditerranéen. Ce territoire d’une forte notoriété touristique a mis à disposition du public des aménagements, permettant d’intégrer un tourisme durable au sein d’espaces protégés. Sur ce site, les valeurs éducatives sont grandement mises en avant par des activités spécifiques d’accueil de public scolaire, les sentiers de découverte couvrant 42km du territoire du Parc Naturel Régional de Camargue.

L’étude réalisée conjointement entre les Marais du Vigueirat et la Tour du Valat consiste en l’évaluation des services culturels de l’espace étudié grâce à l’utilisation, l’adaptation et l’interprétation d’un outil préalablement réalisé. Les résultats de cette étude, en partie réalisée par des enquêtes auprès des visiteurs, montrent la grande diversité de profils de visiteurs, de raisons de visite et de centres d’intérêts, ainsi que de perceptions des éléments du site et d’attentes. Cette diversité, spécifique au lieu et lié aux choix stratégiques de gestion et d’accueil du gestionnaire, est différente si on les compare avec les résultats de la première étude effectuée en 2012 au Maroc. Les éléments extérieurs comme le climat, le contexte culturel, naturel et économique de la zone et du pays, l’accessibilité, sont autant d’éléments qui entrent également en compte dans l’appréciation des services récréatifs et éducatifs des zones humides.

Les principaux résultats montrent qu’avec une distance moyenne de 25 kilomètres, le rayon d’attractivité du site reste principalement local pour une durée de visite n’excédant pas la journée. Globalement, le site des Marais du Vigueirat est apprécié par la majorité des 20 000 visiteurs annuels, pour les aménagements et les services qu’ils proposent et qui correspondent aux attentes de personnes de profils différents.

Néanmoins, peu de visiteurs viennent pour des raisons réellement écologiques ou pour acquérir de nouvelles connaissances. Le choix des visiteurs est le plus souvent de nature multricritères. Les principaux motifs de visite sont généralement la nature pour elle même ou comme cadre favorable à des activités diverses, la faune en général, la proximité du lieu, les spécificités de la camargue et du site et les évènements spéciaux organisés sur le site. Néanmoins, le paysage, l’eau, la flore, la spécificité des espèces et les atmosphères du lieu ne sont pas des motifs significatifs de visite. Suite à la visite, la faune, par les oiseaux, les chevaux et les taureaux, est l’élément qui est le plus mentionné devant la nature, alors que l’eau, la flore et les habitats en général restent encore au second plan. La lecture paysagère suite à la visite ne trouve pas de concensus, même si les habitats humides et la végétation en général sont les composantes les plus souvent évoquées.

La majorité des visiteurs opte le plus souvent pour une visite libre qui leur permet de satisfaire leur souhait de découverte, mais à travers laquelle la sensibilisation environnementale reste marginale. En effet, environ un tiers des visiteurs a acquis de nouvelles connaissances lors de la visite, grâce principalement aux explications données lors de la promenade en calèche ou de la visite guidée.

Télécharger ci-contre le mémoire de Marion SUC [7] [7], réalisé dans le cadre de l’OZHM (coord. L. Chazee) à la Tour du Valat.

Source : etude réalisée dans le cadre de la Licence Professionnelle Management des Organisations parcours Développement Durable des Territoires Ruraux ( LPMO DDTR 2012-2013) de l’IUT d’Aix Marseille Département GACo, Licence LPMO.

 

Etude menée par Doriane MOISAN -2013 : « Valorisation des services récréatifs et éducatifs des zones humides méditerranéennes », application sur deux sites d’étude :Le parc ornithologique du Pont de Gau et le Centre du Scamandre

 

[7]

Une étude similaire portant également sur le suivi des services écologiques a été conduite entre mars et juillet 2013 au Parc ornithologique du Pont de Gau et au Centre du Scamandre, zones humides camarguaises classées sites Ramsar.

Elle a combiné un recensement quantitatif des visiteurs et une enquête qualitative ouverte. Les résultats suggèrent que l’attractivité est principalement locale pour les deux sites camarguais parc ornithologique de Pont de Gau (région PACA) et Centre du Scamandre (région Languedoc Roussillon), même si certains visiteurs viennent du reste de la France ou de l’étranger. Globalement, les deux sites sont appréciés par les visiteurs et le taux de retour est fort. Les aménagements et les services sont également perçus positivement et pour certains, les améliorations suggérées ne semblent pas les empêcher de revenir. Dans le cadre de la stratégie de gestion du centre du Scamandre, le service de restauration et un meilleur accès à la connaissance sont les plus fortes attentes. Dans le cadre de gestion du Pont de Gau, les suggestions relatives au parking et à l’accès à la connaissance pour les non-francophones sont sans doute les besoins prioritaires.

En terme récréatif, il ressort sur les deux sites que la majorité des visiteurs recherchent avant tout la nature dans son ensemble ou comme cadre favorable à une activité (promenade, rencontre, discussion, etc.). Ce malgré la grande diversité de catégories de visiteurs. En revanche, la dimension culturelle (héritage/patrimoine, identité culturelle, spiritualité, etc.) est quasi inexistante dans les motifs de visite observés. La partie écologique reste également secondaire, ce qui est étonnant pour des zones naturelles protégées. Néanmoins, dans les raisons déclarées de visite ou suite à la visite, la faune et en particulier les oiseaux ainsi que le paysage sont les éléments qui reviennent souvent.

En revanche, l’eau et la flore, composantes importantes des zones humides, ne sont ni des motifs de visite ni des sujets qui ont retenu l’attention. Ces résultats pour les visiteurs récréatifs peuvent être mis en relation avec les sujets et les moyens d’information et de sensibilisation du grand public. Ceux-ci favorisent globalement la connaissance de l’oiseau, au détriment des autres dimensions comme l’eau et sa gestion, la flore, les activités et cultures locales, etc. Pour les clients des services éducatifs, les programmes de sensibilisation et de transfert de connaissance sont beaucoup plus larges et permettent aux enfants d’être sensibilisés sur des sujets divers.

L’entrée « services culturels » de cette étude a permis à la fois d’apporter des éléments pour le suivi des zones humides par l’Observatoire. Elle a aussi permis de faire des suggestions aux gestionnaires de site pour améliorer les bénéfices « culturels » selon les niveaux de perception et d’attente des visiteurs. Cette étude fait partie d’un programme méditerranéen sur plusieurs années, dont le but final est de mieux protéger ces écosystèmes par une meilleure sensibilisation des décideurs et des citoyens. Ce but est également recherché par les gestionnaires de sites. A terme, cette étude permettra de trouver une valeur commune de l’indicateur de suivi pour les différents sites en Méditerranée dans le cadre de la convention Ramsar.

>>Télécharger ci-contre le résumé [8] de l’étude et le mémoire de Doriane MOISAN [9] [10]réalisé dans le cadre de l’OZHM (coord. L. Chazee) à la Tour du Valat.
 

Source : Etude réalisée dans le cadre du Master Gestion de l’environnement, Parcours Environnement, Territoires et Acteurs  de l’Université de Rennes – 2012-2013

 

Etude réalisée par Wafa Ben Belgacem – 2013 « Le développement d’un indicateur culturel pour les zones humides méditerranéennes : cas du site Ichkeul en Tunisie »

[7]

L’importance écologique nationale et internationale du site Ichkeul en tant que lieu d’hivernage de milliers d’oiseaux d’eau migrateurs est justifiée par son inscription au titre de trois conventions internationales. Le Parc est classé «Réserve de la Biosphère» par l’Unesco en 1977 à travers le programme MAB (Man And Biosphere), il est inscrit au Patrimoine Mondial naturel et culturel de l’Unesco en 1979 et il est inscrit dans la liste des sites protégés par la convention de Ramsar en 1980. Cependant, le Parc de l’Ichkeul n’a pas échappé aux pressions humaines: carrières, surpâturage, constructions des barrages,…

Cette étude a permis d’évaluer l’état et la tendance des services éducatifs et récréatifs dans la Zone humide de l’Ichkeul, et de comprendre la perception des visiteurs vis-à-vis des services écologiques et culturels du site ainsi que de la gestion du site. Voici les principales conclusions:

Les services des zones humides peu perçus: Ichkeul est connu par les écologistes comme une zone humide importante et la richesse de ses oiseaux migrateurs. Néanmoins, pour la grande majorité des visiteurs d’Ichkeul, c’est la nature, la montagne et les Hammam construits sur les sources chaudes qui sont les principaux centres d’attraction. Seule la composante faune retient l’attention des clients lors de la visite, mais les autres éléments eau et végétaux et les enjeux des zones humides restent largement ignorés.    

Le parc, un attrait local indéniable: L’attractivité du site est local, drainant surtout les résidents du lieu (10 km) attachés à l’histoire du lieu et les Hammams et les souvenirs nostalgiques qui y sont associés, les résidents des villes secondaires sur un rayon de 30 kms et les résidents de Tunis (75 km) pour lesquels le parc est l’endroit naturel intérieur le plus proche. Environ 77% des visiteurs sont déjà venus au moins 2 fois, ce qui indique un avantage comparatif local reconnu.

L’écologie n’est pas une raison première de choix de visite: les raisons majeures observées de visite sont la recherche de la nature, le Hammam et la recherche d’un cadre favorable pour des activités diverses. L’écologie, la biodiversité et les zones humides ne sont pas des motifs de visite. Seul le groupe des ornithologues indique des intérêts écologiques comme raison de visite.

Le Hammam et le paysage, les services culturels les mieux perçus: En matière de service culturel, c’est donc le hammam et la contemplation du paysage qui ressortent en priorité. Le Hammam est apprécié pour des raisons historique et culturel, même s’il n’est pas attrayant physiquement, alors que le paysage est apprécié pour son esthétisme, surtout en altitude. Il est structuré par deux composantes naturelles et indissociables, le lac et la montagne (Djebel), et associé aux couleurs vertes et bleues. Néanmoins, les composantes de la biodiversité ordinaire (oiseaux migrateurs, canards, lac, etc.) et emblématique (buffle), de l’écosystème et de culture locale restent peu mentionnés.

Une forte attente en amélioration des infrastructures et services d’accueil, qui ne les empêchent pas de revenir: L’analyse des attentes des visiteurs liées aux aménagements du site nous a permis de conclure que ceux-ci ne sont globalement pas satisfaits par la qualité des infrastructures et les services d’accueil du parc. Cette insatisfaction concerne surtout la route d’accès, le Hammam et l’absence de point de restauration/boisson. Les autres attentes régulièrement mentionnées concernent la sécurité, les toilettes et l’aire de jeu pour les enfants.Toutefois, ces manques n’empêchent pas les visiteurs de revenir, sans doute car les attraits compensent suffisamment les inconvénients et aussi parce qu’ils ne trouvent pas mieux ailleurs. Néanmoins, ces manques agissent sans doute négativement sur la qualité des visites et sur le nombre de visiteurs.

Une acquisition de connaissance écologique relativement large et des intentions de changement de comportement: Même si l’écomusée n’est pas considéré comme très attractif comme infrastructure et service,  il joue pourtant un rôle relativement déterminant dans l’acquis de connaissance auprès des visiteurs. Les thèmes, eau, biodiversité (faune et flore) et géologie apparaissent à ce niveau là alors que ces thèmes ne sont pas des motifs de visite.

>> Télécharger ci-contre la note de synthèse [11] de l’étude réalisée par Wafa Ben Belgacem dans le cadre de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes (Coord. L. Chazee). Le mémoire final sera prochainement mis en ligne sur le site du Pôle.

Source : Etude réalisée dans le cadre d’un mémoire de master de recherche « Paysage, Territoire et Patrimoine » au sein de l’Institut Supérieur Agronomique de Chott Mériem, guidée par l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes et supervisée par le Directeur Général des Forets du Ministère de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche de la Tunisie.

 

  

Ichkeul,  ses zones humides et quelques uns de ses services récréatifs

 

 

Laurent Chazee,
Coordinateur de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes
Tour du Valat
Email : [email protected] [12]



[1] [13] : « Le concept des services des écosystèmes, apparu dans les années 70, partait du constat qu’il fallait réconcilier la nature avec l’humain, qui s’en éloignait dans sa course au développement socio-économique. », Gomez-Baggethum et de Groot, 2010.