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Valorisation des zones humides : quels sont les bénéfices de leur protection ?

L’évaluation économique des services fournis par les zones humides protégées

Date de publication :13/10/2016

Dans le cadre d’une étude sur les bénéfices de la stratégie de protection du littoral déployée par le Conservatoire du littoral, Vertigo Lab, think-tank en économie de l’environnement et accompagnement de la transition écologique, a évalué les bénéfices liés à la protection de zones humides littorales en Provence-Alpes-Côte d’Azur ; certains des services qu’elles fournissent ont ainsi pu être évalués.

 

1- Mettre en avant les espaces naturels littoraux : l’approche par les services écosystémiques  

En 2015, Vertigo Lab a réalisé une série d’études pour le Conservatoire du littoral pour évaluer les bénéfices socio-économiques de la stratégie à l’acquisition foncière à l’horizon 2050 de l’institution. Huit unités littorales ont fait l’objet d’une évaluation : la Baie de Somme, l’estuaire de l’Orne, le Finistère Sud, le sud-est du Bassin d’Arcachon, l’Etang de Thau, le littoral des Maures et la vallée de l’Argens et enfin l’extrême Sud de la Corse.

Pour mettre en évidence les apports de la protection des espaces naturels, l’approche par les services écosystémiques (les services rendus par la nature aux hommes) a été utilisée. Cette dernière permet de relier les fonctions écologiques des écosystèmes d’une part, aux activités socio-économiques et au bien-être des populations humaines d’autre part. Les écosystèmes de zones humides sont définis par différentes fonctions écologiques telles que l’autoépuration de l’eau, leur rôle d’habitat et de nourricerie pour les espèces d’intérêt halieutique ou encore leur fonction d’absorption lors des inondations ou submersions marines. Mises en parallèle avec les activités humaines, ces fonctions écologiques peuvent être traduites en services, classés en trois grandes catégories : les services d’approvisionnement (les biens et services directement extractibles dans les milieux naturels, tels la pêche commerciale, la cueillette, etc.) puis détailler à l’échelle des zones humides par la suite), les services culturels (activités touristiques, d’éducation, de recherche se déroulant sur les espaces naturels, aménités paysagères) et les services de régulation (régulation des risques naturels, régulation de la qualité de l’eau, régulation du climat global, etc.). Il est possible grâce à des méthodes classiques d’évaluation des services des écosystèmes (méthodes des prix de marché, méthodes des préférences révélées, méthodes des préférences déclarées), et en fonction des données disponibles et collectées, de monétariser ces services et donc d’avoir une première approche de leur valeur sur le plan économique.

Evidemment, le concept de services écosystémiques et l’exercice de monétarisation ont des limites qu’il est nécessaire de souligner. Ce type d’évaluation ne reflète pas en effet la valeur réelle ou totale des écosystèmes mais offre une première approche de la valeur économique des usages directs et indirects de ces écosystèmes.

Les études réalisées par Vertigo Lab ne se concentraient pas sur les seules zones humides littorales mais sur des bouquets d’écosystèmes. L’illustration ci-dessous représente ainsi une cartographie des sols et des écosystèmes pour les étangs de Villepey, l’une des zones humides soumise à l’étude.

[1]

Figure 1 : Occupation du sol des Etangs de Villepey et de la base aéronavale de Fréjus (Source : Vertigo Lab)

Si l’on retrouve des services fournis par les zones humides similaires selon les unités littorales étudiées, la valeur de ces derniers varient selon la nature des zones humides et les usages dont elles sont le support. La diversité des services écosystémiques et de leurs valeurs selon les unités littorales constitue par ailleurs l’une des richesses de ces études.

Dans le cas des Etangs de Villepey, les différents services identifiés (et leur valeur quand la monétarisation était possible) sont les suivants : tourisme (10 millions d’euros par an), régulation de la qualité de l’eau (3,049 millions d’euros par an), pêche de loisir en eau douce (694 000 euros par an), refuge et nourricerie pour les espèces d’intérêt halieutique ou encore aménités paysagères pour les résidents.

 

2- La protection des espaces littoraux, un atout pour les territoires

L’objectif des études n’était cependant pas de mesurer les services fournis par les écosystèmes littoraux mais bien les bénéfices fournis par leur protection. Une zone humide fournira des services même si elle n’est pas protégée ; ces services pourront cependant être de moindre importance et surtout ils ne seront pas garantis dans le temps. Le schéma ci-dessous illustre l’approche développée par Vertigo :

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Figure 2: Evaluation des bénéfices de la protection

Afin de mesurer ces bénéfices, pour chaque cas d’étude, deux scénarios d’évolution des services écosystémiques à l’horizon 2050, avec comme variables l’occupation des sols et les mesures de gestion des sites du Conservatoire du littoral, ont été construits. Le premier scénario représentait un affaiblissement de la protection fournie par le Conservatoire du littoral ; le second une mise en place optimale de sa stratégie d’acquisition foncière. Cette approche comparative a permis de dégager les bénéfices associés à la protection et donc la plus-value de cette dernière.

Pour l’unité littorale de la région des Maures, les bénéfices liés à la mise en place d’une protection forte des espaces littoraux par rapport à un affaiblissement de la protection et un arrêt du développement des acquisitions prévues par le Conservatoire du littoral représentent ainsi près de 194 millions d’euros sur 35 ans. Le scénario d’affaiblissement de la protection entraînait de plus sur le littoral des Maures la perte de 24 hectares de zones humides, ce qui entraînait une dégradation du service de régulation de la qualité de l’eau évaluée à 11,9 millions d’euros sur 35 ans.

Des résultats similaires ont été observés sur les autres unités littorales soumises à l’étude. Les évaluations menées sur l’étang de Thau en Occitanie / Pyrénées – Méditerranée ou dans la Baie de Somme ont par exemple mis en avant les bénéfices apportés par la préservation des zones humides en termes de protection du littoral contre les risques naturels tels la submersion marine et l’érosion côtière[*] [3].

 

3- Des résultats au service des politiques de protection des écosystèmes littoraux

Ces résultats permettent de mettre en avant les plus-values des politiques de protection des espaces naturels et peuvent éclairer la prise de décision quant à la gestion de ces espaces. Ces études montrent également que les politiques de protection constituent des atouts pour les territoires littoraux tant du point de vue de leur attractivité que pour la gestion de l’eau ou des risques naturels. Les espaces naturels littoraux jouent en effet un rôle essentiel dans la régulation des submersions marines, inondations ou encore de l’érosion. Ce rôle peut être traduit en valeurs économiques qui facilitent l’échange entre les acteurs de la préservation de l’environnement et les acteurs publics par exemple. Montrer la contribution économique d’une politique de protection de l’environnement pour le territoire dans lequel elle s’insère est aujourd’hui une étape essentielle dans la valorisation de la biodiversité des espaces naturels.

 

Vertigo Lab est un think-and-do tank spécialisé dans le domaine de l’évaluation des politiques environnementales et l’accompagnement d’acteurs privés et publics dans la mise en place de la transition écologique. Basée à Bordeaux, notre équipe intervient sur de nombreux sujets (biodiversité terrestre, protection des milieux côtiers et marins, économie circulaire ou encore adaptation au changement climatique) de l’échelle locale aux politiques européennes.

 

Nastasia Keurmeur

[email protected] [4]

tél : 06 08 92 22 68

 

[*] [5] Les études sont disponibles sur le site de Vertigo Lab [6]

Voir le rapport [7]