- Pôle lagunes - https://pole-lagunes.org -

Vers une meilleure prise en compte des lagunes temporaires méditerranéennes dans la mise en œuvre de la Directive européenne Habitats-Faune-Flore

© CBN Med.

Depuis 2019, le conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles en partenariat avec la Tour du Valat ont mis en place un Plan régional d’action des lagunes temporaires afin de faciliter leur prise en compte dans les mesures de gestion environnementale, notamment liées à la DHFF. Un éclairage sur la définition de ces lagunes et leur fonctionnement écologique, ont ainsi permis d’établir une cartographie de zones potentielles portant cet habitat temporaire appartenant à l’habitat Lagunes côtières méditerranéennes (UE 1150). Cette étude de 3 années a permis de produire des fiches actions pour que ces milieux puissent mieux connus et préservés.

Les lagunes côtières sont des habitats d’intérêt prioritaire (habitat 1150) au sens de la Directive européenne Habitats-Faune-Flore (DHFF). Même si la définition de cet habitat donnée par l’Europe inclut la grande variabilité des lagunes permanentes dans leur caractère physico-chimique et géomorphologique, elle reste floue sur les limites d’intégration des lagunes temporaires méditerranéennes. En effet, ces lagunes au cycle hydrologique particulier ont souvent connu, pendant une période plus ou moins longue, une phase d’exploitation au profit de la saliculture. Or les textes précisent que les anciens salins abandonnés et re-naturalisés ne peuvent s’inscrire dans le cadre de la DHFF que si l’impact anthropique y est « mineur ». La définition du caractère « mineur » de cet impact n’est cependant pas spécifiée. Il revient à chaque pays membre de l’Union européenne d’interpréter les définitions de la DHFF au regard de leur contexte environnemental national. Dans le cas de la France et jusqu’en 2020, les lagunes temporaires méditerranéennes n’ont pas été explicitement intégrées à l’habitat 1150, bien qu’elles y soient incluses implicitement de par l’appartenance de leurs communautés végétales typiques à ce même habitat.

© CBN Med.

Le cadre des travaux portés conjointement par le conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles et la Tour du Valat sur ces lagunes temporaires méditerranéennes se sont déroulés en plusieurs phases. Dans un premier temps, un travail bibliographique a été mené pour mettre en place une définition claire des lagunes temporaires méditerranéennes et ainsi rendre leur identification plus simple par les agents de terrain. Dans un second temps, une cartographie des zones potentielles de présence de lagunes temporaires le long de la côte méditerranéenne continentale française a été produite. Enfin, 127 lagunes temporaires, réparties sur 13 sites le long de la côte méditerranéenne continentale française, ont été étudiées pendant une saison hydrologique complète pour comprendre le fonctionnement écologique de cet habitat.

Une nouvelle définition

Une définition claire est indispensable à la bonne prise en compte d’un habitat naturel dans les politiques de gestion environnementale. Concernant les lagunes temporaires méditerranéennes, elles n’ont, jusqu’à récemment, jamais bénéficié d’une telle définition dans le paysage de la conservation tant française qu’internationale. La grande variabilité des conditions environnementales interannuelles et intrannuelles au sein d’une même pièce d’eau, et entre les différentes lagunes temporaires, peut expliquer l’absence de définition claire et de dénomination commune.

Pour faciliter leur identification, leur dénomination, et ainsi leur conservation, une analyse bibliographique centrée sur les définitions des lagunes côtières de façon générale, ainsi que sur celles des lagunes temporaires, a été menée afin de développer une définition consensuelle de ces dernières. Cette définition s’ajoute aux définitions des lagunes côtières permanentes euryhalines et polyhalines et des lagunes côtières permanentes oligohalines à mésohalines. Un schéma récapitulant la classification des eaux de surface côtières méditerranéennes et la définition des lagunes temporaires méditerranéennes vous sont présentés ci-dessous.

[1]

Définition :

Les lagunes côtières méditerranéennes temporaires sont des masses d’eau qui représentent d’importantes fluctuations annuelles de leur niveau d’eau et qui sont généralement endoréiques. Elles sont souvent isolées de la mer mais peuvent recevoir des eaux marines lors de surcotes marines importantes. Elles présentent un niveau d’eau fluctuant induit par la variation climatique annuelle, avec une période sèche en été qui va d’un mois à six mois ou plus. La salinité présente une variation cyclique en fonction du niveau de l’eau, augmentant tout au long de la saison végétative, de l’hiver à la fin du printemps avec l’assèchement des lagunes. Les salinités les plus basses en début de saison sont de l’ordre de »5 g/l et, selon les conditions locales, peuvent augmenter jusqu’à des concentrations très élevées et jusqu’à former une croute de sel sur le sol asséché des lagunes dans les cas les plus extrêmes. Ces masses d’eau peuvent être recouvertes, ou non, par une végétation de macrophytes, dominée par des espèces sténoèces caractéristiques de ce type d’habitat.

Une cartographie des zones potentielles

La localisation géographique des lagunes temporaires méditerranéennes reste également assez méconnue. Pour mieux cerner l’importance surfacique qu’elles représentent, et cibler les territoires concernés, un modèle de télédétection basé sur des images satellites Sentinel2 a été mis au point. L’objectif est de cartographier les zones potentielles de présence de lagunes temporaires. Ce modèle prend en compte l’hydropériode des pièces d’eau (durée de mise en eau en moyenne entre 2 et 11 mois par an), des indices de végétation et le modèle numérique de terrain.

La cartographie produite nécessite une vérification sur le terrain de la salinité et de la présence d’espèces caractéristiques pour valider ou invalider l’appartenance à l’habitat lagunes temporaires méditerranéennes.

[2]

Une communauté d’espèces végétales restreinte

Lors des prospections effectuées pour mesurer l’efficience du modèle de télédétection, les espèces présentes dans les pièces d’eau ont été identifiées. En tout, 80 pièces d’eau ont été prospectées à l’échelle d’Occitanie et de PACA. Ces relevés ont permis de mettre en évidence une communauté restreinte d’espèces, plus ou moins typiques des lagunes temporaires méditerranéennes. L’étude des communautés d’espèces a mis en évidence quatre groupes dont deux des groupes reflètent les bornes des lagunes temporaires méditerranéenne :

– Le premier groupe réunit des lagunes présentant des herbiers monospécifiques à Ruppia cirrhosa, plutôt typiques de lagunes qui présentent des temps de mise en eau longs, presque permanents.

– Le second groupe réunit des lagunes présentant des herbiers composés d’espèces plutôt typiques des eaux douces à peu salées et dont la récurrence au sein de ce groupe est faible, ne mettant pas en évidence une communauté d’espèces stable.

Lamprothamnium Papulosum (Salin de La Palme). © F.Andrieu

Les deux autres groupes mis en évidence présentent des espèces plus typiques des lagunes temporaires :

– Le premier est composé de lagunes avec un herbier monospécifique à Ruppia maritima qui est l’espèce la plus généraliste des lagunes temporaires.

– Le second groupe présente un nombre restreint d’espèces en cohabitation et très récurrentes au sein de ce groupe, formant une communauté stable et typique des lagunes temporaires méditerranéennes. Parmi ces espèces on notera Tolypela salina, Althenia filiformis et Lamprothamnium Papulosum. Toutes les trois bénéficient, à divers niveaux géographiques, d’un statut de protection.

[3]

Dendrogramme des communautés d’espèces observées

Une étude du fonctionnement écologique et des effets sur la composition des herbiers

© CBN Med.

Le fonctionnement bi-phasique du cycle hydrologique des lagunes temporaires a été mis en évidence en effectuant des relevés de suivi hydrologique sur 127 lagunes connues pour être temporaire le long de la côte méditerranéenne continentale française. Le temps de mise en eau moyen se situant entre 6 à 9 mois. La variation des niveaux de sel que cette modulation saisonnière des niveaux d’eau opère a également été mise en avant. La salinité augmente à partir du mois d’avril, au moment où l’évaporation des lagunes temporaires commence à être importante. Entre autres facteurs environnementaux, les niveaux d’azote, de matière organique ou encore la granulométrie du sol ont été mesurés dans les lagunes suivies. Lorsque l’on compare l’ensemble de ces facteurs environnementaux avec la composition des herbiers, les deux variables les plus importantes pour définir la présence ainsi que la composition des herbiers sont le temps de mise en eau et le niveau d’eutrophisation de la lagune.

Un plan régional d’action en faveur de la conservation des lagunes temporaires méditerranéennes

A la lumière des connaissances nouvellement acquises lors de cette étude, vingt fiches actions ont été rédigées en concertation avec les acteurs pour répondre à trois grands enjeux :

 

– Le développement de la définition des lagunes temporaires méditerranéennes est présenté dans un document annexe au PRA, téléchargeable ici [4].

– Le Plan Régional d’Actions en faveur des lagunes temporaires méditerranéennes est téléchargeable ici [5].

– La cartographie des zones potentielles de lagunes temporaires produite grâce au modèle de télédétection est disponible au format shape sur simple dema.de auprès des référentes ci-dessous.

 

Pour plus de renseignements, il est possible de joindre :

Karine Faure – botaniste / chargée de mission[email protected] [6]

Mathilde Latron Duclert – chargée de mission scientifique[email protected] [7]