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L’Hydro-Écologie des tourbières

Publié Par prlm Sur 8 novembre 2023 @ 10:51 Dans Dernières actus | Pas de commentaire

Une journée scientifique et technique dont la thématique portée sur « l’Hydro-Ecologie des tourbières » a été organisée par l’équipe d’Hydrogéologie de l’UMR CNRS 6134 SPE de l’Université de Corse le 13 juin 2023. Cette journée s’est déroulée en présentiel et a été retransmis par visio-conférence.

Elle s’inscrit dans le cadre de la 7e plateforme « Recherche-Gestion » de l’observatoire régional des zones humides de Corse (ORZHC) de l’Office de l’Environnement de la Corse ^[1] et dans le cadre de la plateforme « Recherche Acteurs » du projet ANR PIA UNITI
(ANR-22-EXES-0016) porté par l’Université de Corse, avec le concours de l’Office National des Forêts de Corte, de l’OEC à travers le Conservatoire Botanique National de Corse, l’UMR CNRS ECOBIO 6553 de l’Université de Rennes 1, de l’UMR CNRS 6249 Chrono-Environnement de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, et du Service National d’Observation Tourbières (SNO Tourbières) de l’Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS (INSU).

Le format proposé dans le cadre des plateformes a permis d’optimiser les échanges entre scientifiques et acteurs techniques s’intéressant, étudiant, œuvrant sur les milieux humides, en particulier ici les tourbières, aux échelles régionale et nationale. Cet événement a rassemblé plus de 30 participants : étudiants, enseignants-chercheurs, gestionnaires d’espaces protégés et autres acteurs institutionnels.

Cette journée d’échanges sur l’hydro-écologie des tourbières a eu pour objectif de faire connaitre les différents réseaux et observatoires des zones humides et tourbières, mais aussi de partager les nouvelles connaissances scientifiques sur le fonctionnement hydrologique/hydrogéologique des tourbières, zones humides remarquables aux multiples services écosystémiques.

Cette journée a été organisée et animée par Sébastien SANTONI, Maître de Conférences en Hydrogéologie de l’UMR CNRS SPE 6134 de l’Université de Corse. Elle a débuté par des propos introductifs des Professeurs Vanina PASQUALINI, écologue et vice-présidente Recherche de l’Université de Corse, et Frédéric HUNEAU, Hydrogéologue.

Cinq présentations d’une vingtaine de minutes chacune, suivies de nombreux échanges ont permis de nourrir les réflexions sur cet habitat remarquable que sont les tourbières :

Le Service National d’Observation des Tourbières (SNO Tourbières), un outil pour étudier l’impact des changements globaux sur la fonction puits de carbone des tourbières tempérées.
Sarah Coffinet (MCF en écologie microbienne, Université de Rennes 1) : Télécharger la présentation ^[2]

Transferts d’eau et de carbone entre les tourbières, l’atmosphère et les aquifères. Application à la tourbière de Frasne (Massif du Jura, France).
Alexandre Lhosmot (ATER, Université de Franche-Comté) : Télécharger la présentation ^[3]

L’Observatoire Régional des Zones Humides de Corse : organe privilégié de suivi de l’application de la stratégie régionale en faveur des zones humides.
Pierre-Jean Albertini (Conservateur de la RNMMR, Office de l’Environnement de la Corse) : Télécharger la présentation ^[4]

La tourbière de Moltifau (Valdu) : biodiversité, menaces et protocoles de suivi.
Sandra Guy (Cheffe de projet environnement, Office National des Forêts) : Télécharger la présentation ^[5]

La tourbière méditerranéenne de Moltifau (Valdu) : un puits de carbone tributaire des eaux souterraines.
Sébastien Santoni (MCF en hydrogéologie, Université de Corse) : Télécharger la présentation ^[6]

A l’issue des échanges, il ressort que les tourbières abritent une biodiversité exceptionnelle. Si la plupart d’entre elles ont déjà fait l’objet d’inventaires faunistiques et floristiques justifiant leur prise en compte dans les zonages de protection, les connaissances sur leur fonctionnement hydrogéologique demeurent insuffisantes. Tributaires des eaux de surface et souterraine, les tourbières abritent certaines espèces végétales (e.g. sphaignes) responsables de l’accumulation de matière organique, véritable puits de carbone. Cependant, les pressions climatiques et anthropiques sont susceptibles d’altérer le couple cycle de l’eau – cycle du carbone au sein des tourbières. Ainsi, les recherches actuelles visent à évaluer l’influence de ces pressions sur la fonction de stockage du carbone des tourbières.

Flux d’eau et de carbone entre les tourbières, l’atmosphère et les hydrosystèmes sur un continuum amont-aval. © SNO tourbières

Les nouveaux éléments scientifiques récemment publiés ouvrent de nouvelles perspectives scientifiques autant qu’ils apportent d’éléments d’arbitrage en faveur d’une gestion durable de ces milieux sensibles. En effet, la mise en place de suivis de paramètres hydrobiogéochimiques de long terme, couplées à des investigations hydrogéologiques de détail, s’appuyant sur des outils issus de l’hydrologie isotopique, permet de modéliser de façon conceptuelle voire quantifiée, les flux d’eau et de carbone au sein des tourbières. Ces éléments permettent ainsi de mieux comprendre leur fonctionnement.

Cependant, évaluer la vulnérabilité et la capacité de résilience des tourbières face aux changements globaux est encore un réel défi scientifique. De nombreuses questions de recherche restent en effet encore insuffisamment renseignées, parmi lesquelles :

quelle sera l’impact des évolutions hydroclimatiques (e.g. événements extrêmes, sécheresses) sur le fonctionnement hydrologique et hydrogéologique des tourbières, et notamment sur leur maintien en eau tout au long de l’année ?
de tels changement du cycle de l’eau impacteront ils le cycle du carbone des tourbières auquel il est intimement connecté ? en d’autres termes, les flux de CO2 et de CH4 sont-ils amenés à évoluer dans l’espace (régions climatiques) et dans le temps (de l’échelle journalière à l’échelle séculaire) ?
les tourbières conserveront elles leur fonction de stockage du carbone (et plus largement des gaz à effet de serre) ? En d’autres termes, les tourbières continueront elle toujours de limiter le réchauffement climatique ou y contribueront-elles in fine?

Par ces questions, il apparaît fondamental et urgent de poursuivre les efforts en faveur de l’amélioration des connaissances scientifiques et d’une gestion durable des tourbières.

À l’échelle de la Corse, plusieurs pistes d’actions scientifiques et de gestion ont émergé et se focalisent prioritairement sur le site de la tourbière de basse altitude de Moltifao ^[7]. D’une part, la poursuite des suivis en cours (faune, flore, fonge, température et humidité du sol), et une proposition de mise en place d’un nouveau suivi sur une sélection de paramètres hydrobiogéochimiques sur le modèle du SNO tourbières (e.g. niveau d’eau, débit, température, conductivité électrique, pH, oxygène dissous, potentiel d’oxydoréduction, carbone organique dissous). D’autre part, la valorisation des données issues du projet de recherche scientifique dans le cadre d’un Partenariat Hubert Curien franco-tchèque (Barrande) sur le devenir et la réactivité matière organique dissoute. Il s’agit d’appréhender ce que peuvent révéler les isotopes stables de la molécule d’eau et des molécules humiques sur les processus de transfert de carbone organique dans les eaux continentales. Ce travail s’appuie sur une collaboration internationale entre l’Université de Bohême du Sud à České Budějovice (Tchéquie), Sorbonne Université, Université de Rennes 1, et Université de Corse. Enfin, et plus largement, les interactions entre cycle de l’eau et cycle du carbone au sein des zones humides méditerranéennes seront investiguées en détails dans le cadre du PIA UNITI (ANR-22-EXES-0016) de l’Université de Corse (Axe 1, Programme 3, Action 1, WP 7).

En savoir plus

Lhosmot A., Jacotot A., Steinmann M., Binet P., Toussaint M. L., Gogo S., …, Bertrand G., 2023. Biotic and abiotic control over diurnal CH4 fluxes in a temperate transitional poor fen ecosystem. Ecosystems, 26(5), 951-968. https://link.springer.com/article/10.1007/s10021-022-00809-x ^[8]

Lhosmot A., Steinmann M., Binet P., Gandois L., Moquet J. S., Stefani V., ….., Bertrand G., 2023. Origin and fate of dissolved inorganic carbon in a karst groundwater fed peatland using δ13CDIC. Chemical Geology, 616, 121254. https://doi.org/10.1016/j.chemgeo.2022.121254 ^[9]

Lhosmot A., Bouchez J., Steinmann M., Lavastre V., Bichet V., Loup C. …., Bertrand G., 2022. The origin and transfer of water and solutes in peatlands: A multi tracer assessment in the carbonated Jura Mountains. Hydrological Processes, 36(12), e14781. https://doi.org/10.1002/hyp.14781 ^[10]

Lhosmot A., Collin L., Magnon G., Steinmann M., Bertrand C., Stefani V., … Bertrand G., 2021. Restoration and meteorological variability highlight nested water supplies in middle altitude/latitude peatlands: Towards a hydrological conceptual model of the Frasne peatland, Jura Mountains, France. Ecohydrology, 14(6), e2315. https://doi.org/10.1002/eco.2315 ^[11]

Santoni S, Garel E, Huneau F., Gillon M., Marc V., Miller J., Babic M., Simler R., Travi Y., Leblanc M., 2021.Assessing the hydrogeological resilience of a groundwater-dependent Mediterranean peatland: impact of global change and role of water management strategies. Science of The Total Environment 768, 144721, https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.144721 ^[12]

Santoni S, Garel E, Gillon M., Babic M., Spangenberg J.E., Bomou B., Sebag D., Adatte T., van Geldern R., Pasqualini V., Mattei A., Huneau F., 2022. The role of groundwater in CO2 production and carbon storage in Mediterranean peatlands: An isotope geochemistry approach. Science of the Total Environment, 866, 161098. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.161098 ^[13]

Santoni S, Garel E, Gillon M., Babic M., Spangenberg J.E., Bomou B., Sebag D., Adatte T., van Geldern R., Pasqualini V., Mattei A., Huneau F., 2022. Mediterranean Peatland Water, Gas, and Soil content (Moltifau peatland, Corsica Island, France), Mendeley Data, V1, doi: 10.17632/xt2gxmfc8z.1 ^[14]

Programme de la journée ^[15]