Les conséquences du changement climatique sur les lagunes
Date de publication : 17/11/2015
Que faut-il retenir du constat et des projections établies par le GIEC concernant le littoral ? Quelles conséquences du changement climatique peut-on attendre sur le littoral et les lagunes en particulier ? Comment varient-elles en fonction des stratégies de gestion adoptées ? Plusieurs projets de recherche ont permis d’apporter des éléments de réponses, dont le projet Miseeva, porté par le BRGM.
Rapport du GIEC 2013 : le constat et les projections
Selon le dernier rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) en 2013, le réchauffement du système climatique est sans équivoque, et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des millénaires. Qu’il s’agisse de l’atmosphère ou de l’océan, le réchauffement du système climatique est incontestable. Chacune des trois dernières décennies a été successivement plus chaude à la surface de la Terre que toutes les décennies précédentes depuis 1850.
Le réchauffement global de l’atmosphère a atteint environ 0.8 °C sur la période 2003-2012, et celui de la surface des océans est considéré comme étant de l’ordre de 0.11°C par décennie sur la période 1971-2010.
L’élévation du niveau moyen des mers s’est accélérée depuis le milieu du XXème Siècle avec une élévation moyenne de 1.7 mm/an entre 1901 et 2010, 2 mm/an entre 1971 et 2010 et 3.2 mm/an entre 1993 et 2010.
Les projections futures des changements au sein du système climatique sont réalisées à l’aide de modèles climatiques qui simulent les changements à partir de scénarios de forçages anthropiques. La température moyenne à la surface du globe augmenterait, selon les scénarios de 1 à 3.7°C à l’échéance 2100.
L’ensemble des mers et océans vont également continuer à se réchauffer, avec des incidences sur la circulation océanique, et une élévation du niveau des mers comprise entre 0.26 et 0.98 m à l’horizon 2100, selon les projections. La valeur retenue pour les simulations peut varier selon les objectifs des études réalisées.
Quelles conséquences sur le littoral ?
Les conséquences probables de ce réchauffement sont multiples et l’espace littoral est susceptible d’être fortement impacté par les modifications du système climatique. L’élévation du niveau marin global va générer des inondations et déplacement des marais et plaines côtières, accentuer l’érosion côtière et augmenter les phénomènes de submersions marines et leurs impacts, et entraîner la salinisation et le rehaussement des nappes côtières.
En Languedoc- Roussillon, l’état des connaissances réalisé en 2011 par le BRGM sur les effets du changement climatique a permis de prédire les évolutions futures des forçages (facteurs physiques d’évolution du littoral comme la houle, le vent…) des systèmes côtiers et des aléas littoraux. Concernant les forçages, les scénarios du réchauffement de l’atmosphère et l’océan prédisent au cours du XXIème siècle :
- une élévation du niveau marin ;
- une faible diminution de la fréquence et une faible augmentation de la vitesse et de la durée des tempêtes ;
- une diminution des jours pluvieux (particulièrement l’été) et des précipitations moyennes annuelles ;
- des régimes inchangés ou des tendances sans résultat concluant pour les tempêtes, les événements extrêmes comme les épisodes cévenols, les vagues, et les surcotes atmosphériques.
L’augmentation de l’érosion et la submersion marine en Languedoc-Roussillon
Les scénarios d’évolution de ces forçages prédisent une augmentation des aléas érosion et submersion marine, pour lesquels la quantification des effets reste difficile à estimer.
Une cartographie réalisée dans le cadre du projet RESPONSE (2003-2006) sur la base d’observations et à dire d’experts met en évidence l’augmentation des aléas généralisée à la majeure partie de la côte du Languedoc-Roussillon. Ce sont principalement les zones sableuses qui sont touchées par l’érosion et la submersion, du fait notamment de la faible hauteur de dune et du déficit de sédiments (voir conclusion ci-dessous).
Les sites identifiés comme les plus menacés sont les suivants (extrait du rapport BRGM 2011 cf. p95) :
- Saintes-Maries de la mer (Région Provence-Alpes-Côte d’Azur) : aléas érosion et submersion dans les zones urbaines et touristiques ;
- Les cabanes de Fleury : aléa submersion dans les zones touristiques et environnementales, avec une possible augmentation de l’aléa érosion des plages et dunes ;
- Lido de Sète à Marseillan : aléas érosion et submersion qui impactent le lido entier en particulier l’infrastructure de communication et des enjeux de tourisme et d’agriculture ;
- Lido de Maguelone à Les Aresquiers : aléas érosion et submersion qui impactent le lido entier, en particulier la saliculture et la viticulture près de Maguelone et des activités urbaines et touristiques vers Frontignan ;
- Petite Camargue : l’aléa érosion qui pourrait impacter le tourisme et l’aléa submersion des zones humides et de la saliculture ;
- Port La Nouvelle : les aléas érosion et submersion, en particulier la submersion de la zone industrielle du Port ;
- Port Leucate : les aléas érosion et submersion, en particulier un village au nord du port et la conchyliculture ;
- Sainte Geneviève à Portiragnes-plage : l’aléa érosion d’un site de camping et des plages à vocation récréatives ;
- Valras-plage : les aléas érosion et submersion, en particulier dans la région urbanisée dans les embouchures des fleuves Orb et Aude.
Quelles stratégies de gestion adopter ?
Les stratégies de gestion des risques ont été classées en fonction du choix de l’adaptation par les pouvoirs publics. Elles peuvent varier du Déni (sans anticipation de la submersion marine par les pouvoirs publics) au retrait (avec anticipation de la submersion et adaptation planifiée), en passant par le Laisser-faire, la Protection intégrale ou la Protection partielle.
Les conséquences sur les lagunes, les plages et les habitats périlagunaires vont varier en fonction de la stratégie adoptée par les pouvoirs publics.
Quelles conséquences sur les lagunes et les habitats périlagunaires ?
Les conséquences sur les lagunes, les plages et les habitats périlagunaires vont varier en fonction de la stratégie adoptée par les pouvoirs publics.
Le projet de recherche Miseeva finalisé en 2011 s’est intéressé à la vulnérabilité du territoire côtier à la submersion marine dans le siècle à venir en Languedoc-Roussillon. Il a notamment permis de s’intéresser aux conséquences théoriques des submersions sur les lagunes et leurs habitats périlagunaires.
La montée du niveau de la mer réduit la distance à la nappe salée et impacte de ce fait la répartition spatiale des habitats, très sensibles à la salinité du sol. Il a été considéré que la submersion peut avoir différentes conséquences en fonction de sa fréquence :
- Submersion exceptionnelle : pas d’impact sur les habitats car ces milieux sont adaptés à ce type de situation.
- Submersion récurrente : translation des habitats en fonction d’une règle de transformation (cf. ci-après)
- Submersion permanente : perte de zones humides (et gain de lagune)
Les projections prédisent qu’en 2100, les submersions exceptionnelles atteindraient les lidos, mais aussi les bordures nord des étangs. Les dommages générés seront fonction de la hauteur d‘eau mais aussi de la durée de l‘inondation, permettant une certaine résilience des enjeux.
Sur le schéma ci-dessous (en milieu non pâturé), les habitats sont distribués par classe d’altitude.
Un groupe d’experts (CEN L-R, EID Méd., Pôle lagunes) s’est accordé sur les règles de transformation de la distribution des habitats à appliquer, prenant en compte notamment leur répartition altimétrique par rapport à la nappe d’eau. Il a donc été possible de recalculer leur répartition spatiale en fonction de l’élévation du niveau de la mer projetée.
Globalement les évolutions des habitats du Languedoc-Roussillon, projetées à l’horizon 2100, sont les suivantes :
Après translation, les habitats type prés salés vont régresser et les habitats type gazon à salicorne et fourrés halophiles vont potentiellement progresser pour occuper une superficie plus importante qu’à l’heure actuelle. Cette progression est chiffrée à +19% dans le cadre d’une stratégie dite de ‘déni’ à +30% dans le cadre d’une stratégie dite de retrait stratégique. Cette progression se fait au détriment des zones agricoles ou d’espaces artificialisés.
Exemple de surfaces impactées par les aléas érosion et submersion permanente et temporaire (à cause d’un événement décennal et un événement centennal) entre Palavas-les-Flots et la Grande Motte, en utilisant les scénarios d’élévation du niveau marin de (a) 0,5 m et (b) 1,5 m – BRGM/RP-59405-FR (2011)
En conclusion :
L’élévation du niveau moyen des mers s’est accélérée depuis le milieu du XXème Siècle, pour atteindre 3.2 mm/an entre 1993 et 2010. Les projections à l’horizon 2100 indiquent une élévation du niveau des mers comprise entre 0.26 et 0.98 m.
En Languedoc-Roussillon, les scénarios du réchauffement de l’atmosphère et l’océan prédisent au cours du XXIème siècle : (1) une élévation du niveau marin ; (2) une faible diminution de la fréquence et une faible augmentation de la vitesse et de la durée des tempêtes ; (3) une diminution des jours pluvieux (particulièrement l’été) et des précipitations moyennes annuelles ; (4) des régimes inchangés ou des tendances sans résultat concluant pour les tempêtes, les vagues, et les surcotes atmosphériques.
Les scénarios d’évolution de ces forçages prédisent une augmentation des aléas érosion et submersion marine, généralisée à la majeure partie de la côte du Languedoc-Roussillon. Ce sont principalement les zones sableuses, du fait notamment de la faible hauteur de dune, du déficit de sédiments.
Ces aléas vont impacter les lagunes et habitats périlagunaires, de manière différente en fonction des stratégies de gestion adoptées : selon les projections, à l’horizon 2100, si les habitats type prés salés vont régresser, les habitats type gazon à salicorne et fourrés halophiles vont potentiellement progresser, d’autant plus que la stratégie adoptée est celle du retrait stratégique.
Il convient néanmoins de garder à l’esprit que les changements climatiques ne sont pas, pour l’heure et de loin, les seuls responsables de l’érosion côtière. Les activités humaines (aménagements, prélèvements…) à terre (bassins versants) et en mer renforcent ce phénomène naturel.
Quelques articles médiatiques :
– la voix du Nord (21/08/2015) : Erosion littorale: l’activité humaine en cause, plus que le changement climatique,
– le documentaire (Arte, 2013): Le sable Enquête sur une disparition
- En savoir plus
Toutes les études clefs, atlas cartographiques sont sur le site Internet du Volet Etudes Littoral
Plaquette du BRGM ‘Risques littoraux et changement climatique’ (2014)
Projet Miseeva : description du projet MISSEVA sur le site de l’ONERC ; restitution du projet le 7/10/2011 à Montpellier ; vidéo de présentation (Y.Balouin, BRGM) en 2012 : Risques et vulnérabilités induits par le changement climatique sur le littoral ; Rapport final 2013 (n°60980) BRGM/RP-60980-FR (2013) – MISEEVA Méthodologie d’évaluation de la vulnérabilité de la zone côtière Languedoc-Roussillon face à la submersion marine : Rapport final Elaboration d’indicateurs de vulnérabilité socio-économiques et environnementaux.
- Contact
Eric PALVADEAU
BRGM Languedoc-Roussillon
tél : 04 67 15 79 93