Le Conservatoire d’Espaces Naturels d’Occitanie a accueilli Loïc Anneet pendant 6 mois de stage afin de poursuivre le travail engagé en partenariat avec l’OFB depuis 2019 sur le sujet de la continuité écologique dans les marais littoraux. La gestion des marais est un enjeu crucial pour la préservation de la qualité de ces écosystèmes aquatiques dont dépendent de nombreuses espèces de poissons petits ou grands migrateurs.
Ces travaux sont intégrés dans différents plans et rapportages : Action 10 du Plan national milieux humides 2022-2026 [1] , Fiches actions du PLAGEPOMI méditerranée 2022-2027, Rapportage français 2024 du règlement européen anguille d’Europe, Rapportage du 3ème cycle de la DCSMM (en cours).
L’objectif de ce stage de Master Gestion des Littoraux et des Mers (Université de Montpellier) était dans un premier temps de produire et bancariser de nouvelles connaissances sur ces marais, et dans un second temps de s’en servir au travers d’un outil d’aide à la décision développé pour les structures de gestion qui souhaiteraient améliorer l’accessibilité et les conditions d’accueil piscicole sur leurs sites. Durant cette étude, Loïc Anneet a contacté de nombreuses structures de gestion afin de collecter et bancariser les informations sur leurs ouvrages hydrauliques et délimiter de nouvelles unités hydrauliques cohérentes en marais littoraux et retro-littoraux. D’autre part, il a effectué un croisement entre des données spatiales et physico-chimiques sur les UHC de marais pour dresser un premier diagnostic de l’espace d’accueil potentiel dans les casiers hydrauliques.
1/ Délimitation des Unités Hydrauliques Cohérentes (UHC)
Depuis 2019, l’utilisation du protocole d’identification et de délimitation des Unités hydrauliques cohérentes (UHC) en marais , a permis de publier 13 552 ha de secteurs de marais littoraux méditerranéens sur le Réseau Partenarial des Données des Zones Humides (RPDZH) , représentant au total plus de 80 UHC de niveau 1. La priorisation des secteurs de marais à délimiter repose notamment sur les sites prioritaires UGA (Unité de Gestion Anguille) où les autorités locales doivent surveiller les populations d’anguilles, évaluer les pressions et impacts, et mettre en œuvre des mesures de gestion adaptées. Parmi ceux-ci figurent les marais et les lagunes ayant des ouvrages prioritaires (identifiés PAPARCE, PLAGEPOMI, Grenelle, PGA).
La cartographie de ces UHC (casiers hydrauliques) a été enrichie cette année de 42 nouvelles UHC réparties des Pyrénées-Orientales jusque dans les Bouches-du-Rhône, en particulier sur le pourtour des secteurs prioritaires du PLAGEPOMI. Une partie de ces résultats de cartographie 2023 et 2024 a été publiée sur la plateforme sig du RPDZH animée par le Forum des Marais Atlantiques.
Ces données sig des UHC ont dans leurs attributs des surfaces précises, les types de gestion hydraulique et de salinité ainsi que le niveau d’emboîtement de l’UHC sélectionnée.
Les secteurs nouvellement visibles en ligne sont :
- en PACA, les marais du Vigueirat, des theys de Port-Saint Louis du Rhône, du domaine de la Palissade, du pourtour de l’étang de Berre (Petite Camargue) et du Bolmon (secteur Grand Vallat du Ceinturon);
- en Occitanie, les marais de l’étang de Vendres et l’étang de la Matte, les anciens salins de Campignol, les anciens salins de la réserve de Sainte Lucie, le Bagnas, les étangs de Camargue gardoise (Mahistre- Musette, Marette, Médart et Scamandre Charnier.
Carte des UHC de niveau 1 en Méditerranée et des « ouvrages à la mer »[2]. (source : L. Anneet, 2024)
D’ici fin d’année, plusieurs UHC des secteurs camarguais (dont le domaine de la Tour du Valat, les étangs et anciens salins de Camargue), l’étang du Méjean et l’étang de Capestang dans l’Hérault, ou encore des marais du pourtour de l’étang de Salses-Leucate devraient également être visibles sur cette plateforme.
2/Nouvelles données produites sur les ouvrages hydrauliques
119 ouvrages supplémentaires (73 dans les Bouches du Rhône, 18 dans l’Hérault, 28 dans l’Aude) sur un total de 8 sites lagunaires ont été intégrés en 2024 au Référentiel des Obstacles à l’Écoulement suite à la collecte des données effectuées auprès des gestionnaires des territoires et à la standardisation des informations relevées.
3/ Prototype de méthode de priorisation des unités hydrauliques à la faveur des poissons migrateurs
Une partie de ce stage visait la mise en place d’un prototype de méthode de priorisation des unités hydrauliques selon l’intérêt d’y restaurer la continuité écologique piscicole. Cela dépend de l’analyse du marais selon plusieurs descripteurs tels que la surface des UHC, leur mise en eau, la qualité du milieu, le nombre d’ouvrages hydrauliques et leur gestion ou encore les enjeux patrimoniaux.
Cette année, un nouveau descripteur (l’hydropériode) a été intégré dans le critère 1 « Effort pour restaurer la continuité piscicole » de cette méthode, tout en tenant compte des autres descripteurs proposés depuis 2023 (cf tableau ci-dessous). A l’issue de l’analyse des descripteurs, l’UHC obtient une notation définie selon des seuils arbitraires.
Le diagnostic qui découle de l’utilisation de la méthode intègre ainsi des données de surface, de milieu et des données ponctuelles sur les ouvrages reliant les UHC. Les données employées en 2024 à partir de travaux de partenaires sont le pourcentage de mise en eau de l’UHC suivant l’hydropériode (2018-2020 et 2023 provenant de la Tour du Valat), la salinité et la température provenant du Forum Interrégional des Lagunes Méditerranéennes (FILMED).
Répartition de la mise en eau de l’UHC 1 de Villeneuve-lès-Maguelone sur 4 années (hydropériodes : 2018-2020 et 2023)
L’anguille européenne étant une espèce cible du PLAGEPOMI, l’étude de MRM de 2021[3] a permis de cibler des secteurs où elle est présente et d’autres où l’accueil lui est favorable. Face à ce critère « enjeu patrimonial » intégré à la méthode, l’étude 2024 s’est appuyée sur les valeurs limites données à titre indicatif dans une grille de salinité et de température (Taverny C. et al. [4], 2009) pour les poissons dans les masses d’eaux de transition françaises. Cela permet d’intégrer un critère « qualité de milieu » dans la notation des descripteurs physico-chimiques évalués dans les UHC.
Grille proposée en oxygène dissous, température, turbidité et salinité pour les poissons dans les masses d’eaux de transition françaises. Taverny C., et al. 2009.
Le prototype de méthode testée prend ainsi en considération différents critères parmi lesquels la surface de l’UHC, son pourcentage de mise en eau, la quantité d’ouvrages hydrauliques sur une l’UHC, mais aussi les valeurs de salinité et de température mesurées dans les marais durant les hydropériodes considérées.
Ces critères « effort de restauration de la continuité écologique », « enjeu patrimonial », « qualité du milieu », permettent ainsi de hiérarchiser les unités hydrauliques de marais où il serait préférable de concentrer des efforts de restauration sur la continuité écologique piscicole.
4/ Résultat obtenu – Diagnostic de site
Le résultat du diagnostic a été représenté à partir des logigrammes qui schématisent l’emboitement fonctionnel des unités hydrauliques cohérentes et leurs relations aux ouvrages hydrauliques référencés. L’objectif principal d’un logigramme est de pouvoir simplifier les discussions sur les efforts à porter sur tel ou tel axe hydraulique au sein du marais. Il est conçu pour un marais spécifique, permettant ainsi une approche sur mesure et adaptée aux particularités de chaque site.
Cela permet aux acteurs de la gestion de l’eau d’appréhender et de s’approprier plus rapidement l’organisation et le fonctionnement d’un site sur des axes de passages d’espèces piscicoles.
À terme une qualification des ouvrages hydrauliques sur leur transparence vis-à-vis des poissons migrateurs pourra y être affichée.
Exemple type d’un logigramme schématisant les unités hydrauliques d’un site et le suivi de la salinité (données FILMED du gestionnaire 2018-2020 et 2023) (Source L. Anneet, 2024).
Les actions de porter à connaissance et le test de cette méthode visant le diagnostic des marais littoraux se poursuivra en 2025 en collaboration avec l’OFB dans le cadre du Life Biodiv’France démarré cette année. Le Pôle-relais lagunes méditerranéennes (CEN Occitanie) est porteur d’une action dans ce Life qui vise dès 2025 à accompagner les gestionnaires vers une meilleure prise en compte de la continuité écologique pour les poissons migrateurs dans les marais littoraux. Il s’agira de fournir aux acteurs de la gestion des lagunes et des marais des outils d’aide à la gouvernance de l’eau afin de mieux accueillir des espèces migratrices telle que l’anguille européenne sur leurs sites. Les éléments de connaissance et de méthode qui seront alors fournis dans le cadre de ce Life d’ici fin 2026, seront des clefs pour construire des objectifs et actions d’amélioration de cette continuité piscicole dans les documents de planification des territoires.
- Contact
Nathalie Barré
Chargée de mission Occitanie du Pôle-relais lagunes méditerranéennes – CEN Occitanie
Email : [email protected]
[1] « Favoriser la circulation des populations piscicoles par l’amélioration de l’accessibilité et de la qualité des marais littoraux et lagunes méditerranéennes (Action 10 de l’AXE 1 du 4e Plan national milieux humides – 2022-2026 : https://www.zones-humides.org/sites/default/files/pdf/plan_national_milieux_humides.pdf)
[2] Intégrés au rapportage du cycle 3 de la DCSMM 2023 comme indicateur « D07-OE03-ind3 : « Nombre d’obstacles dont les impacts sur la courantologie, la sédimentologie ou la continuité ont été minimisés », établis selon la méthodologie : https://pole-lagunes.org/wp-content/uploads/sites/4/2023/11/Ouvrage-a-la-mer-Methode-Ouvrages-a-la-mer.pdf
[3] Rivoallan D., Blanc M., Lambremon J., 2021. Potentialités de colonisation des lagunes par les poissons migrateurs.
[4] Taverny C., Elie P., Boët P., 2009. La vie piscicole dans les masses d’eau de transition : proposition d’une grille qualité pour la température, l’oxygène dissous, la salinité et la transparence [Rapport de recherche]. Irstea, 51 p. HAL-02592725.