De mars à août 2021, l’OFB en partenariat avec le Pôle-relais lagunes méditerranéennes a encadré un stage dans l’objectif d’améliorer les connaissances sur la continuité piscicole en marais littoraux. C’est Emmanuelle Bachs, en Master 2 « Sciences de la Mer » (Université de Perpignan Via Domitia) qui a réalisé un travail exploratoire sur ce sujet, en menant 2 enquêtes sur les façades méditerranéenne et atlantique. L’une a été conduite auprès des structures de gestion des milieux lagunaires, l’autre auprès des structures de recherche qui travaillent sur le sujet de la continuité écologique entre mer et terre et en particulier pour l’ichtyofaune. Ce stage a également permis de poser les bases d’une synthèse bibliographique sur le sujet qui sera approfondie par la suite. Ces travaux s’intègrent dans une démarche, de réflexion et de développement d’indicateurs sur le continuum terre-mer pour le second cycle de rapportage européen de la directive cadre stratégique milieux marins.
Les marais littoraux accueillent de nombreuses populations piscicoles, durant la totalité ou une partie de leur cycle biologique. Ils présentent une structure en réseau, souvent soumis à des aménagements hydrauliques, qui rendent la continuité piscicole vulnérable dans ces milieux.
Les espèces amphihalines sont particulièrement impactées par ces ouvrages, dont la gestion peut entraîner des retards de leur migration, engendrer une perte d’énergie ou encore sélectionner certains types de comportements (Trancart et.al, 2020). Un état des lieux des connaissances et projets sur les poissons migrateurs en marais littoraux est nécessaire afin d’améliorer la continuité piscicole dans ces milieux.
Ce travail exploratoire mené en 2021 à l’OFB a eu pour but de faire une synthèse des connaissances acquises sur la continuité piscicole (définition, caractérisation, évaluation) sur les marais littoraux des façades de la mer du Nord, de la Manche, de l’Atlantique et de Méditerranée, afin de répondre aux attentes des gestionnaires sur le sujet et de leur permettre d’établir des actions de gestion favorables à la continuité piscicole.
1/Enquête auprès des chercheurs des 2 façades
Sur une totalité de 26 chercheurs enquêtés, 16 ont répondu au questionnaire, faisant un total de 60% de réponses et dressant un premier diagnostic des types de recherches effectuées sur le sujet en France. Les chercheurs répondants sont classés dans 4 grandes thématiques sur les 9 identifiées (écologie des populations, écologie de la conservation, écologie fonctionnelle, éthologie, écohydraulique, hydrobiologie, hydromorphologie, écologie évolutive et adaptative, écotoxicologie), parmi les répondants il y a donc une représentation de 45% des champs disciplinaires initialement ciblés.
80% des chercheurs qui ont répondu ont effectué leurs travaux sur la continuité piscicole en marais littoraux en partenariat avec des structures de gestion. Ces projets ont été recensés et permettent d’avoir une vision de la répartition et des thématiques des différents projets mis en place au niveau national (cf. la carte les projets de recherche-gestion mis en place par les chercheurs enquêtés ci-dessous).
Certains freins ont été perçus par les chercheurs lors de la mise en place de projet de recherche-gestion :
- Difficulté à cibler les intérêts de travaux communs
- Difficulté à convaincre les gestionnaires d’adopter des solutions en phase de test
- Méfiance de la part des comités de pêche qui ont parfois la gestion d’un site
- Difficulté à travailler à une large échelle et avec de nombreux acteurs
- Décalage entre les besoins scientifiques et administratifs
- Manque de temps
- Manque de financements
Concernant les leviers identifiés par les chercheurs, les besoins de financement et de temps pour échanger avec les gestionnaires sont les plus remontés durant l’enquête (30% chacun), cf. schéma ci-contre.
Visée opérationnelle des travaux de recherche
En retour de l’analyse bibliograhique et des enquêtes réalisées durant le stage, il en ressort un manque d’articles scientifiques sur les capacités de nage et capacité de franchissement des espèces piscicoles en marais littoraux, une connaissance relativement faible de la part des gestionnaires sur les espèces piscicoles peuplant leurs sites, ou encore le besoin d’une meilleure transmission des livrables produits par les acteurs de la recherche aux acteurs de la gestion.
En retour de notre étude, 93% des chercheurs des 2 façades enquêtés ont répondu que leurs recherches avaient une visée opérationnelle pour la gestion (cf ci-dessous), avec notamment une majorité de recommandations de gestion ainsi que le développement d’indicateurs de suivi. Néanmoins, ces outils issus de la recherche ne sont pas toujours reproductibles d’une façade à l’autre lorsqu’ils sont spécifiques au milieu (optimisation du recrutement au niveau du Delta de Camargue, fonctionnement écologique à l’interface estuaire/marais, gestion des ouvrages soumis à marée, plan de gestion de l’anguille en Méditerranée). A noter qu’en Méditerranée il semblerait que peu de recommandations de gestion soient produites comparé à la recherche portée sur les milieux atlantiques.
Il apparaît que la visée opérationnelle des projets de recherche sur la continuité écologique implique de faire davantage coïncider ses besoins visant les espèces et milieux ciblés, avec les modes de gestion et de suivi de ces milieux ainsi que les politiques publiques.
2/ Enquête auprès des gestionnaires des 2 façades
Elle a été réalisée dans la continuité de celles menées auprès des gestionnaires des 2 façades en 2017: l’une avait été menée par le Pôle-relais lagunes méditerranéennes auprès de l’ensemble des structures de gestion des lagunes, l’autre par le Forum des Marais Atlantiques (Pôle-relais marais d’Atlantique, Manche et mer du Nord) auprès des structures de gestion avec lesquelles il est en convention pour remonter et bancariser les données ouvrages et unités hydrauliques cohérentes en marais (principalement en Charente-Maritime et Vendée). Les questions posées dans l’enquête avaient pour but de :
- Acquérir la connaissance des gestionnaires sur leurs ouvrages hydrauliques et les modalités de gestion de ceux-ci
- Recenser leurs connaissances concernant la transparence de leurs ouvrages vis-à-vis des poissons
- S’assurer, ou non, de la prise en compte de l’ouverture/fermeture des ouvrages ainsi que de la continuité piscicole dans leurs documents de gestion
- Répertorier les connaissances dont ils ont besoin pour améliorer la continuité piscicole sur leur site de gestion
- Déterminer le degré de fragmentation des territoires
Sur l’évolution des connaissances depuis 5 ans, 50% des structures répondantes ont amélioré leurs connaissances sur le fonctionnement hydraulique de leur site en mettant en place des études hydrauliques (60%).
- 40% des structures répondantes ont apporté des modifications à leur réseau hydraulique dans le but de décloisonner les sites, d’améliorer les continuités écologiques ou encore de se rapprocher d’un fonctionnement naturel. Celles qui n’ont entrepris aucune amélioration ont fait remonter un manque de moyens financiers mais aussi humains, ainsi qu’un manque de temps pour mettre en place des projets portant sur la continuité écologique.
- Concernant les connaissances à acquérir, 3 champs de connaissances ont été ciblés en priorité (dans une liste fermée de choix portant sur le sujet de la continuité piscicole en marais) : les espèces présentes, leurs périodes de présence et leurs besoins écologiques (cf. figure ci-dessous). À cause du manque d’inventaires et de dialogues avec les pêcheurs présents sur leurs sites, seulement 10% des gestionnaires répondants ont une liste exhaustive des espèces présentes sur leur site.
Ces connaissances « manquantes » ciblées par l’enquête pourront être déduites de la synthèse bibliographique à venir. Les périodes de migration des espèces piscicoles couplées avec les moments d’entrée et sortie en lagune et/ou estuaire, ainsi que leur alimentation et les caractéristiques physico-chimiques de l’eau qu’elles tolèrent, seront des connaissances à valoriser en priorité, notamment au travers d’outils adaptés aux besoins des gestionnaires. Cela leur permettra d’avoir une meilleure idée des espèces susceptibles d’entrer dans les différents milieux de leur territoire lagunaire et à quelle période, et d’ajuster ainsi leur gestion à la faveur de la continuité piscicole en marais.
Source des figures et de la photographie : Mémoire « Amélioration de la connaissance sur la continuité piscicole en marais littoraux » , Emmanuelle Bachs, 2021.