Le point sur l’état des masses d’eau de transition et les fortes pressions qu’elles subissent
La directive cadre sur l’eau (directive 2000/60/CE) impose aux Etats membres de réaliser un état des lieux dans chacun des bassins au début de chaque cycle de gestion. Cet état des lieux du bassin Rhône-Méditerranée 2019 a été adopté par le comité de bassin fin 2019, il est le socle des travaux de révision du SDAGE et du programme de mesures 2022-2027.
État des masses d’eau de transition
27 masses d’eau de transition sont suivies sur le bassin Rhône-Méditerranée au titre de la DCE (carte à télécharger ci-dessous).
EN SYNTHÈSE POUR LES LAGUNES DU BASSIN RHÔNE MEDITERRANEE État écologique : En 2019, 22 % des masses d’eau sont en bon ou très bon état écologique. Compte tenu du faible nombre de masses d’eau (27), les résultats en pourcentage sont à examiner avec vigilance. Des améliorations sont à noter au sein des éléments de qualité qui composent l’état écologique. Pour autant, les eaux de transition restent des milieux impactés par les nombreuses pressions qu’ils subissent.État chimique : 100% des masses d’eau présentent un bon état chimique en 2019. Ce résultat ne reflète pas forcément une baisse du niveau de contamination des eaux de transition mais également le caractère fluctuant des concentrations dans le milieu. |
Précisions sur l’état écologique des eaux de transition :
En 2019, la répartition des masses d’eau dans les 5 classes d’état écologique est la suivante : 1 masse d’eau en très bon état (4 %), 5 en bon état (18.5 %), 6 en état moyen (22 %), 6 en état médiocre (22 %), 9 en état mauvais (33.5 %).
Au total, 22,5 % des masses d’eau sont en bon ou très bon état. Il y en avait 26 % en 2015.
L’analyse de l’évolution de l’état des eaux de transition nécessite de raisonner par type de masses d’eau. En effet, le faible nombre de masse d’eau (27) rend l’interprétation statistique délicate.
Les lagunes oligo-mésohalines (7 masses d’eau) doivent être analysées à part car ces masses d’eau disposent encore de peu de données et les grilles d’évaluation de leur état ont fait et feront encore l’objet d’adaptations. Ces dernières visent à mieux prendre en compte le caractère très peu salé et très confiné de ces lagunes qui se caractérisent par un fonctionnement complexes et des communautés biologiques différentes des autres lagunes. Il est par conséquent difficile de parler d’évolution mais plutôt de stabilisation de leur caractérisation. De manière générale, ce sont des lagunes moyennement à très eutrophisées et sur lesquelles les efforts de réduction des apports polluants et de gestion doivent être accélérés.
Les lagunes poly-euhalines (17 masses d’eau) sont globalement dans une dynamique de restauration. Sept d’entre elles voient leur état écologique global s’améliorer d’une classe. Ce résultat constitue une avancée très significative compte tenu du principe très pénalisant du paramètre déclassant. Sept autres masses d’eau montrent une stabilité de leur état écologique global qui confirme le temps de réaction long de ces écosystèmes. L’analyse plus fine des dernières données de surveillance, et notamment l’examen des différents compartiments, montre une réelle dynamique de restauration de ces milieux. Comme il faut garder à l’esprit que les lagunes sont soumises à une forte inertie liée à leur fonctionnement, et que le bon état reste un objectif très ambitieux pour certaines, les progrès accomplis sont certes encore insuffisants mais réellement encourageants.
Les bras et l’estuaire du Rhône (3 masses d’eau), respectivement en état moyen et bon, sont très directement dépendants de la qualité écologique du fleuve Rhône directement en amont.
Remarque: l’état écologique affiché résulte de la valeur moyenne, sur la chronique de données utilisée de l’élément de qualité le plus déclassant parmi les éléments pertinents utilisés pour l’évaluation (éléments biologiques, physicochimiques et substances pertinentes). De fait, l’état écologique s’améliore si, et seulement si, l’ensemble des éléments déclassants s’améliorent aussi. L’amélioration de certains éléments biologiques peut donc être masquée par les éléments dégradés qui ne s’améliorent pas. A l’inverse, il suffit qu’un seul élément de qualité se dégrade pour que l’état écologique soit déclassé. La sensibilité de l’indicateur d’état écologique est ainsi très dissymétrique, forte pour révéler des dégradations, mais bien plus faible (avec une forte inertie de réponse) lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’amélioration des éléments de qualité.
Comparaison avec d’autres milieux aquatiques du bassin Rhône-Méditerranée
Pressions, impacts et risque de non-atteinte de l’objectif de bon état des masses d’eau fin 2027
L’objet central de l’état des lieux est d’actualiser le diagnostic des pressions dues aux usages de l’eau. Il vise à distinguer parmi toutes les pressions celles qui ont un impact significatif et génèrent un risque de non-atteinte des objectifs environnementaux à l’horizon 2027. Les pressions sont prises en référence pour élaborer le programme de mesures du SDAGE 2022-2027.
EN SYNTHÈSE POUR LES LAGUNES DU BASSIN RHÔNE MEDITERRANEE Parmi l’ensemble des milieux aquatiques, les masses d’eau de transition sont les plus concernées par des pressions dues aux activités humaines susceptibles de faire peser sur elles un risque de non-atteinte du bon état en 2027.Malgré les succès enregistrés dans l’épuration des eaux, le risque constitué par les pollutions par les matières organiques et les formes de l’azote et du phosphore (nutriments pour les eaux de surface) et par les pesticides reste prégnant en particulier pour les eaux de transition (près de 60% concernées par les nutriments et 67 % par les pesticides). Les lagunes sont très concernées par des apports significatifs en provenance des bassins versants et les canaux (plus de 70% des masses d’eau à risque pour cette catégorie de pression).L’actualisation de l’état des lieux confirme le poids dominant des altérations physiques. Même si sur l’hydrologie et la continuité écologique, des progrès nets sont enregistrés, 2/3 de lagunes littorales présentent des formes altérées qui peuvent expliquer une qualité écologique insuffisante due à des habitats dégradés. Des perturbations significatives des échanges avec la mer concernent également les étangs littoraux. |
Le risque de non-atteinte du bon état écologique (RNABE) en 2027 est estimé pour 85% des eaux de transition (23 masses d’eaux de transition), qui subissent encore des flux de pollutions importants (matières organiques, nutriments, micropolluants) rejetés directement ou apportés par les milieux affluents et des pressions physiques dues à l’altération des annexes humides et des berges. Ce risque est resté stable depuis le dernier état des lieux.
En comparaison, ce risque est de 15% des eaux côtières, 26% des eaux souterraines, 50% des plans d’eau et 72% des cours d’eau.
Les pressions prises en compte pour les masses d’eaux de transition sont indiquées dans le tableau ci-après :
Précisions sur ces pressions :
– Matières organiques et nutriments urbains et industriels : le risque de dégradation a été ramené de 74 à 59 % (soit 16 lagunes) grâce aux efforts d’épuration conduits depuis 2013 sur 4 lagunes (lagunes de Bages, de Sigean et les étangs palavasiens et de Thau).
– Nutriments d’origine agricole : le risque de dégradation concerne 59 % des lagunes littorales (16 lagunes). Ces apports soutiennent les proliférations végétales et des désoxygénations des fonds à des concentrations très faibles en raison de la sensibilité particulière de ces milieux liée à leur confinement. Le risque spécifique lié est resté stable depuis 2016 au regard des apports directs et ceux des bassins versants affluents.
– Substances toxiques (hors pesticides) : le risque de dégradation a pour origine les rejets des systèmes d’assainissement urbain (eaux usées domestiques) et les rejets industriels organisés ou accidentels (secteurs de la mécanique, de la chimie, du traitement de surface…). Il concerne 41 % des eaux de transition (11 masses d’eau), du fait des apports des cours d’eau plus que des rejets directs.
– Pesticides : le risque de dégradation résulte de l’usage de ces substances à effets biocides principalement par l’agriculture (l’usage en est interdit pour l’entretien des espaces verts par les collectivités depuis 2017 et pour les particuliers depuis 2019). Il concerne 67% des lagunes (18 masses d’eau). Ce risque était d’environ 80% en 2016.
– Altérations de la morphologie, 67 % des lagunes (18) présentent des zones de berges et des rives fortement altérées ou enrochées par des aménagements (zones portuaires, zones de loisirs …). Ce taux était d’environ 55% en 2016. La pression augmente du fait de la meilleure caractérisation des données d’occupation du sol et notamment de surfaces de zones humides périphériques. Pour 44% de ces masses d’eau, le fonctionnement des échanges avec la mer par les ouvertures naturelles du cordon lagunaire (grau) a été artificialisé en modifiant notablement la circulation et les échanges entre les eaux marines salées et les eaux douces en provenance du continent.
– Autres pressions : Conchyliculture, pêche professionnelle et de loisir, espèces introduites. Même si l’ensemble des masses d’eau de transition sont concernées par la problématique des espèces introduites, cette pression est significative pour un tiers d’entre elles. Pour autant, cette pression ne constitue pas un risque de non atteinte du bon état pour ces milieux.
Les causes de risque pour les eaux de transition sont synthétisées ci-après, et comparées à l’état des lieux antérieur (2016).
Les évolutions entre les états des lieux 2016 et 2019 restent marginales et on observe plutôt une stabilité du risque. Seuls les apports ponctuels en nutriments ont été significativement réduits sur certaines masses d’eau.
Quoi qu’il en soit, cette notion de risque s’applique particulièrement bien aux milieux lagunaires qui constituent le réceptacle des apports de leur bassin versant et demeurent naturellement très confinés. Les lagunes stockent ainsi les polluants reçus et sont donc particulièrement sensibles aux pressions qu’elles subissent. Pour autant, cette situation est réversible et on observe des trajectoires de restauration sur les lagunes ayant fait l’objet d’une réduction importante des flux de nutriments.
Le risque de non-atteinte du bon état écologique (RNABE) en 2027 est détaillé dans le tableau ci-dessous pour chaque masse d’eau de transition.
Masses d’eau de transition à RNABE 2027 (extrait tableau annexe 4 p.237)
MEN : Masse d’eau naturelle. MEFM : Masse d’eau fortement modifiée, i.e. masse d’eau de surface ayant subi certaines altérations physiques, non ou peu réversibles, dues à l’activité humaine (navigation, urbanisation, production d’hydroélectricité,..). La masse d’eau doit atteindre un bon potentiel écologique, et non pas le bon état écologique qui incombe aux masses d’eau dites naturelles.
En conclusion, les lagunes sont des milieux fragiles, au fonctionnement complexe et particulièrement exposés aux pressions physiques et aux pollutions, compte tenu de la forte anthropisation de leurs bassins versants.
Les apports polluants en nutriments, qui enrichissent les lagunes et sont à l’origine d’une eutrophisation excessive (dystrophie) de la majorité des masses d’eau (près de 60%), restent un enjeu majeur.
Les apports en substances toxiques qui contaminent les eaux, les sédiments et les organismes vivants, sont également un point de blocage important pour l’atteinte du bon état (40% environ).
Enfin, les deux tiers des lagunes sont situées dans des bassins versants particulièrement anthropisés : urbanisation des bassins versants, surfaces agricoles, gestion des apports d’eau douce (vannes, martelières, …), présence de canaux, artificialisation des graus … Ces altérations physiques peuvent constituer un facteur aggravant vis-à-vis des phénomènes d’eutrophisation.
L’état des lieux a été adopté par le comité de bassin et approuvé par le préfet coordonnateur de bassin fin 2019. Il constitue la première étape du troisième et dernier cycle de gestion prévu par la DCE, qui couvre la période 2022-2027. Les pressions qui ont un impact significatif et génèrent un risque de non-atteinte des objectifs environnementaux à l’horizon 2027 sont prises en référence pour élaborer le programme de mesures du SDAGE 2022-2027.
A NOTER : Les informations ci-avant sont extraites du document « État des lieux du bassin Rhône-Méditerranée adopté par le comité de bassin du 6 décembre 2019 » (350 p.) en focalisant sur les lagunes (masses d’eaux de transition).
Brève compilée par le Pôle-relais lagunes méditerranéennes.
Voir aussi la brève « État des lieux 2019 du bassin de Corse : focus sur les lagunes »