Thèse de Mariam Maki Sy, soutenue en décembre 2019
Cette thèse avait pour objectif de développer une approche d’évaluation pour identifier la demande en termes de services écosystémiques (SEs) sur les complexes lagunaires afin de contribuer à des décisions publiques cohérentes, intégrées et acceptées. Il en ressort un fort consensus relatif à l’intérêt pour les services de régulation et de maintenance. Les politiques publiques devraient davantage utiliser le concept des SEs dans les processus de prise de décision relatifs aux problèmes environnementaux.
Mieux encadrer notre relation à la nature par l’évaluation des services écosystémiques (SEs)
En Économie de l’environnement et Économie écologique, les SEs sont évalués dans le but d’aboutir à des choix ou préférences collectives pour la gestion de ces écosystèmes.
Dans le cadre de la thèse menée par Mariam Maki Sy, trois études de cas ont été présentées :
- La première identifie les niveaux de consensus et de divergence, entre les parties prenantes, sur la priorisation des SEs fournis par deux sites lagunaires méditerranéens situés au Sud de la France (le complexe lagunaire palavasien et le site de Biguglia).
- La seconde analyse l’impact de l’information académique et de la familiarité sur les préférences des résidents locaux et non-locaux pour les SEs fournis par le complexe lagunaire palavasien.
- Enfin, la troisième explore les méthodes non monétaires d’évaluation des préférences pour les SEs avec une application au contexte du site lagunaire palavasien.
Les résultats montrent l’utilité du concept des SEs et de son évaluation à l’aide de méthodes non monétaires. L’attribution de valeurs monétaires aux SEs s’avère problématique, car un certain nombre de services s’y prêtent très mal. Par conséquence, ces méthodes, dites de monétarisation, sont souvent rejetées par les parties prenantes car ne montrent pas la diversité des préférences et réduisent ces dernières à leur seule dimension monétaire.
Aussi, les résultats montrent qu’en fonction de la méthode d’évaluation des SEs, de la typologie des parties prenantes, de l’apport de l’information académique et de la familiarité avec les écosystèmes, les préférences varient pour les services d’approvisionnement et culturels.
D’après les résultats, il ressort un fort consensus relatif à l’intérêt pour les services de régulation et de maintenance. Les lagunes, de par leur localisation, permettent de réguler les phénomènes naturels et de maintenir le bon fonctionnement écologique des habitats. Ainsi, les services « Nurserie et Habitat » et « Régulation des inondations et protection des terres intérieures contre les tempêtes et la salinité » sont les services considérés comme une priorité de conservation.
Les politiques publiques devraient davantage utiliser le concept des SEs dans les processus de prise de décision relatifs aux problèmes environnementaux. Les SEs traduisent la complexité d’un écosystème en une série de fonctions, dans un langage commun et compréhensible par toutes les parties prenantes. Une autre recommandation consiste à prendre en compte la diversité des méthodes d’agrégation des préférences pour les SEs, afin de mieux anticiper ou contribuer à réduire les conflits entre différents groupes de parties prenantes.
Mise en perspectives des méthodes d’évaluation des SEs
L’évaluation des SEs est réalisée à travers deux principales méthodes. La première consiste à rassembler les préférences des individus pour les SEs, en leur donnant une valeur monétaire ou non, à travers un calcul (moyenne, médiane, …). La seconde méthode permet d’identifier une préférence collective à travers une délibération où les individus sont amenés à discuter et échanger sur les SEs.
- Comme il existe encore des lacunes pour identifier les choix individuels et collectifs par rapport aux SEs, une piste de recherche est de comprendre ce qui amène les individus à formuler un choix collectif lors des processus délibératifs.
Par exemple, il s’agirait de savoir pourquoi des individus acceptent de modifier leur choix durant les discussions. Est-ce parce que les arguments des autres participants les ont convaincus ? Y a-t-il des asymétries de pouvoir entre eux? Ou encore, combien de temps chaque individu peut-il parler pendant la séance de délibération ?
Apporter de l’information aux participants sur l’écosystème ainsi que les SEs qui en découlent est déterminant pour le processus d’évaluation.
- Une piste de recherche pourrait être basée sur la démarche par laquelle les individus s’informent et se familiarisent avec les SEs avant d’exprimer leurs préférences pour ces derniers. Cela consisterait notamment à catégoriser les SEs suivant la capacité à être évalués par le public ciblé: 1/ Evaluation des attributs des SEs par l’inspection et collecte d’information possible avant consommation (ex. les services d’approvisionnement en général telles que les ressources en poissons, la biomasse pour le pâturage, …) ; 2/ Evaluation sans précision qu’après avoir été utilisée ou consommée (ex. le sentiment de relaxation lié à la visite d’une lagune) ; 3/ Evaluation impossible surtout pour le grand public (ex. la capacité d’autoépuration d’une lagune).
Cette méthode de regroupement des SEs en différentes catégories permet de cibler les SEs pour lesquels il y a besoin d’information et de sensibilisation et ainsi, d’aboutir à des politiques d’incitations « douces ». Par conséquent, la finalité est d’orienter la société vers des objectifs de conservation ou de restauration écologique socialement souhaitables (Thaler and Sunstein, 2008).
- Une autre piste de recherche concerne la nécessité d’explorer davantage la théorie des préférences. La question pourrait être de savoir, par exemple, pour des écosystèmes inconnus du grand public, les implications théoriques de l’hypothèse de l’instabilité des préférences.
Extrait de la thèse de Mariam Maki Sy (UMR MARBEC, Université de Montpellier, IRD, Ifremer, CNRS)
Direction de la thèse
Rutger DE WIT
Directeur de recherche, CNRS, UMR MARBEC Montpellier
Directeur de thèse
Charles FIGUIÈRES
Professeur, Aix-Marseille Université,
École d’Économie d’Aix-Marseille (AMSE)
Co-directeur de thèse
Hélène REY-VALETTE
Maître de conférences, Université de Montpellier, UMR CEE-M Montpellier
Co-encadrante