RIO Marlène, thèse de doctorat, 2020
Les contaminations générées par les villes côtières lors d’évènements pluvieux sont susceptibles de dégrader la qualité des eaux récréatives et piscicoles. Afin de soutenir les gestionnaires dans le maintien d’une bonne qualité des eaux littorales, cette thèse vise à évaluer les impacts des espaces urbanisés et de scénarii changements d’occupation du sol sur les flux de contaminants générés lors d’évènements pluvieux dans le bassin versant du golfe d’Aigues-Mortes et la zone urbaine de Montpellier. La première partie caractérise l’influence des conditions hydro-climatiques sur les flux de bactéries témoins de contamination fécale (BTCF) et de matières en suspension (MES) à différentes échelles spatiales dans le bassin versant du Golfe d’Aigues-Mortes et dans la zone urbaine de Montpellier. Aux exutoires du bassin versant côtier, il apparait que les flux bactériens augmentent significativement avec l’indice de précipitations antérieures (IPA), calculé comme étant la somme pondérée des cumuls pluviométriques des jours antécédents (Figure 1). Un modèle statistique est développé liant l’IPA aux flux de BTCF. 
Figure 1 Valeurs estimées et incertitudes associées des flux journaliers de coliformes thermo-tolérants (CTT) entre octobre 2008 et janvier 2015 à l’exutoire d’un des trois sous bassins versants du Golfe d’Aigues-Mortes (Bassin versant Lez-Mosson). Les histogrammes représentent l’Indice de Précipitations Antérieures (IPA) correspondant à chaque jour de mesure. A l’échelle de la zone urbaine, les flux de BTCF et de MES sont également fortement impactés par les épisodes pluvieux, même de petite période de retour, notamment dans les affluents urbains. Pour permettre la réduction des transferts de contaminants, des outils de modélisation sont requis, qui soient capables d’évaluer les impacts de scénarii de gestion du ruissellement pluvial. Dans un premier temps, une classification des surfaces urbaines en fonction des processus de transfert des contaminants est proposée, basée sur une stratégie d’échantillonnage appliquée à une carte d’utilisation du sol déjà existante (Figure 2). 
Figure 2 Illustration de la méthode d’échantillonnage stratifié utilisée pour l’analyse de l’occupation du sol. (a) Localisation aléatoire de zones-échantillons dans le bassin versant d’étude. (b) Localisation des zones-échantillons sur une carte d’utilisation du sol existante (ici, la nomenclature SPOT THEMA utilisée par la Métropole de Montpellier). (c) Photographie aérienne d’une zone-échantillon (provenant ici de la BD ORTHO®). (d) Résultats de la photo-interprétation Puis les surfaces urbaines sont agrégées en unités de réponse qualité (URQ) dans la modélisation hydrologique. Le logiciel Storm Water Management Model (SWMM) est utilisé pour comparer cette méthode de discrétisation d’un bassin versant aux unités de réponse hydrologiques (URH) communément utilisées (Figure 3). Le travail de modélisation est réalisé à l’échelle de l’évènement pluvieux et se concentre sur la simulation des débits et des flux de MES, en tant que vecteur principal de pollution en zone urbaine. 
Figure 3 (a) Représentation d’un bassin versant en unités de réponse hydrologique. (b) Représentation du même bassin versant discrétisé en unités de réponse qualité. Il s’avère que les URQ ont la même capacité que les URH à reproduire des hydrogrammes observés, tout en offrant une grande flexibilité pour l’implantation de scénarii de gestion du ruissellement urbain. La construction de ces derniers se base alors sur une approche interdisciplinaire, qui mobilise des méthodes d’enquête sociologique pour mettre en perspective le travail de modélisation par rapport à un contexte territorial plus ou moins favorable à des changements de pratiques de gestion du ruissellement urbain. Sur le territoire montpelliérain, l’analyse révèle que les questions de la qualité des eaux pluviales et de la gestion des pluies courantes émergent difficilement face à l’importance du risque d’inondation sous le climat méditerranéen. D’importants blocages, notamment d’ordre institutionnel, montrent une faible marge de progression dans la mise en place de dispositifs de gestion à la source des eaux pluviales, appelés techniques alternatives de gestion des eaux pluviales. Un besoin crucial de connaissances sur les bénéfices que peuvent apporter ces dispositifs est mis en avant. Pour y répondre, les scénarii choisis représentent la désimperméabilisation des espaces urbains, à travers la déconnexion des toitures et l’implantation de revêtements perméables sur les différentes URQ définies précédemment. Les résultats de la modélisation montrent des réductions significatives du volume ruisselé et de la masse de MES exportée dans différents espaces urbanisés pour plusieurs pluies de projet, en particulier pour les pluies de faible période de retour. De plus, l’impact des scénarii se révèle variable parmi les utilisations du sol typiques de zone urbaine représentées, ce qui montre l’importance de cibler les surfaces à désimperméabiliser selon le type d’espace urbanisé. Par exemple, la Figure 4 montre que les scénarii d’implantation de revêtements perméables sur les surfaces de parkings sont les plus bénéfiques, en termes de réduction de masses de MES exportées, dans les espaces urbanisés de type « grands équipements » et « habitat collectif ». 
Figure 4 Réduction de masse de MES exportées (%) pour les scénarii d’implantation de 50% et de 100% de revêtements perméables sur des surfaces de parkings dans différents sous-bassins représentatifs d’utilisations du sol typiques en zone urbaine. Les intervalles d’incertitudes sont définis en fonction de la sensibilité du modèle aux paramètres de l’équation de lessivage. A travers l’enquête sociologique et l’étude hydrologique, cette thèse contribue à la mise en visibilité d’un problème public en construction. Sur le territoire montpelliérain, une connexion forte entre science et gestion apparait nécessaire pour favoriser la désimperméabilisation des espaces urbains et préserver la qualité des eaux continentales et littorales du golfe d’Aigues-Mortes.