Un partenariat entre chercheurs et agriculteurs pour innover dans la lutte contre les mauvaises herbes
Date de publication 16/12/2014
L’agriculture européenne doit aujourd’hui faire face à la nécessité d’inventer des systèmes de culture moins polluants et plus durables. En Camargue, des riziculteurs se sont engagés dans cette démarche. En partenariat avec l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) et France Agrimer, ils expérimentent des alternatives à la lutte chimique contre les mauvaises herbes. (photo : site de l’INRA)
En 2011, Jean-Claude Mouret, ingénieur agronome UMR innovation à l’INRA de Montpellier a réalisé le diagnostic agronomique de l’innovation de Bernard Poujol, agriculteur de Camargue gardoise qui pour maîtriser les adventices a introduit dans ses rizières des canards à raison de 100 bêtes de race mularde à l’hectare.
Au Japon, cette technique est appliquée après repiquage du riz. En Camargue, le riz est semé à la volée après mise en eau. L’adaptation au contexte camarguais de la technique japonaise a été un véritable défi: l’agriculteur a opté pour un semis du riz en ligne, donc enfoui et à sec, pour permettre ensuite aux canards de se déplacer dans la rizière entre les lignes de riz. Il a également sélectionné une race de canards mulards, qui ne volent pas et dont seuls les mâles intéressent les producteurs de foies gras.
Le diagnostic agronomique a permis de mesurer l’effet du mode de semis sur la levée des mauvaises herbes (au regard du stock déjà présent dans le sol), et d’observer la capacité des canards à consommer ces mauvaises herbes sans faire de dégâts sur le riz.
La panisse (Echinocloa Crus-Galli – image ci-contre) et le triangle (Cypéracée) sont les 2 mauvaises herbes qui infestent les rizières, rendant difficiles les cultures en riz bio 2 années successives, pouvant faire chuter jusqu’à 80% leur rendement. Ici, l’étude menée par l’INRA, s’est centrée sur la panisse qui est la principale mauvaise herbe.
Avec cette expérience, les résultats ont montré que les canards de Mr Pujol, étaient capables de manger des graines et des jeunes pousses de mauvaises herbes.
Il a été particulièrement mis en évidence la pertinence des choix d’adaptation faits par l’agriculteur : malgré une densité de panisses forte au départ, liée au mode de semis, les canards ont permis de freiner leur développement et donc de diminuer leur concurrence par rapport au riz (amélioration du rendement en riz de 25% par rapport à une parcelle sans désherbage, quant à la réduction de biomasse des adventices elle atteint les 20%).
De plus, cette intégration des canards dans les rizières offre des perspectives intéressantes : l’agriculteur a choisi d’en commercialiser une part pour rentabiliser son investissement, et de garder le reste pour qu’ils consomment les graines de panisses pendant l’hiver. L’évaluation économique sur plusieurs cycles de culture de cette interaction agriculture -élevage – reste donc à analyser.
Quant à la poursuite des expériences, d’autres techniques alternatives pour lutter contre les adventices des rizières de Camargue sont à l’étude. Mr Mouret ingénieur à l’UMR innovation de l’INRA qui coordonne les travaux de recherche pour une riziculture camarguaise plus durable, précise que depuis plus de dix ans, c’est un travail en synergie avec la profession, à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation et du territoire qui est privilégié. Ces actions contribuent activement au développement de la riziculture biologique qui progresse en Camargue. Les itinéraires techniques doivent être affinés et les partenariats scientifiques et professionnels renforcés notamment pour faire évoluer toute la filière dans l’objectif d’une réduction des intrants.
Inondées ou pas inondées? A la recherche d’une gestion des rizières en interculture favorable à une agriculture raisonnée et à l’hivernage des canards sauvages?
L’ONCFS et la Tour du Valat mènent une étude en collaboration sur l’influence des pratiques agricoles en interculture (brûlage, broyage, labour, disquage) sur la banque de graines d’adventices présente à la surface des rizières en hiver.
Ils analysent en particulier l’impact d’une potentielle inondation hivernale des parcelles rizicoles sur la vitesse de décomposition et la viabilité de trois espèces : le triangle, la panisse et le riz crodo. Ces adventices constituent un problème majeur pour la production rizicole. Elles constituent également une source importante de nourriture pour les oiseaux d’eau, laquelle serait rendue accessible par la mise en eau des parcelles.
Si cette pratique est concluante, elle permettrait de diminuer la nécessité d’herbicides le printemps suivant tout en augmentant la disponibilité d’habitat d’hivernage pour les canards en Camargue.
Des résultats de ce test expérimental seront disponibles à la fin de cet hiver.
Données en vrac :
– 7 % de la surface rizicole inondée en hiver en Camargue.
– Mesure Agri-environmentale particulière en Espagne : 60 % surface inondée au Delta de l’Ebre et dans l’Albufera de Valencia
– La Camargue est la première zone d’hivernage de canards en France (ces canards viennent de Scandinavie).
Contact :Claire Pernollet, doctorante ONCFS-CNERA Avifaune Migratrice – [email protected] 06.45.35.08.51
- En savoir plus
– Dossier complet RIZ BIO de ALTERAGRI JANV-FÉV 2013
– Première Conférence Internationale sur les Systèmes de Production Rizicole Biologique, Montpellier- 27-30 Aout 2012
– Article du magazine de l’INRA n°19 – décembre 2011 : Canard aux herbes / une recette 100% bio
Témoignage de Bernard Poujol, riziculteur en… par AgropolisInternational
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