Thèse de doctorat de Claire Pernollet, parution 2016
Date de publication : 05/07/2016
Les systèmes cultivés dominent la surface du globe et représentent tant une menace qu’une opportunité pour la conservation de la biodiversité. Certaines pratiques agricoles permettent en effet la production de nourriture tout en assurant une certaine protection de l’environnement. L’inondation hivernale des rizières a été identifiée en Amérique du Nord et en Asie comme une pratique offrant des avantages à la fois pour les oiseaux d’eau et les agriculteurs.
Par une série d’études empiriques et d’expérimentations, nous avons testé si des bénéfices similaires pouvaient être espérés en Europe. Les effectifs moyens de canards dans cinq grandes régions rizicoles européennes sont effectivement positivement corrélés aux superficies totales des zones humides (zones naturelles plus rizières inondées), suggérant une complémentarité de ces deux types d’habitats pour la conservation des canards. En appliquant différentes pratiques post-récolte sur 50 rizières en Camargue (France), nous mettons en évidence l’existence de ressources abondantes pour les canards hivernants (près de 500 kg/ha de graines de riz et d’adventices au sol après la récolte). La disponibilité en graines diminue fortement au cours de l’hiver (-89% pour la masse de riz et -69% pour celle d’adventices), cette déplétion étant accentuée par la pratique d’un labour.
L’inondation hivernale est le principal facteur explicatif de la fréquentation nocturne des rizières par les canards (24 canards/ha en moyenne dans les parcelles inondées et 0,3 dans les parcelles sèches). En retour, des tests expérimentaux montrent que les canards se nourrissant dans les rizières inondées diminuent le nombre de chaumes de paille, mais n’ont pas d’effet significatif sur la banque de graines d’adventices. Une analyse coûts-bénéfices prenant en compte les contraintes et les avantages agronomiques et environnementaux évalue la faisabilité économique de la mise en eau hivernale des rizières en Camargue.
La moisson en rizières inondées est quatre fois plus rentable pour les agriculteurs et plus de huit fois plus pour la société camarguaise que le brûlage-labour traditionnel, qui n’est pas économiquement acceptable (ratio bénéfices/coûts pour les agriculteurs 4,15 vs 1,02, pour la société 6,67 vs 0,78). L’inondation hivernale des rizières en Europe est bénéfique à la fois pour les agriculteurs et pour les canards hivernants. En Camargue, en plus d’être économiquement réaliste pour les agriculteurs, cette pratique est fortement bénéfique pour l’environnement, et mérite d’être encouragée.
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Claire Pernollet