Etat initial pour un suivi à long terme
Plusieurs études démontrent qu’un suivi des Odonates avec un suivi des imagos et une recherche des exuvies semblerait fournir assez d’informations et de résultats (richesse spécifique et tendance) pour évaluer la qualité des habitats sur le long terme. Partant de ce constat, une étude portée par le CEN Occitanie entre la réserve naturelle de l’Estagnol et le site des salines de Villeneuve (34) en 2021 vise à long terme à établir un lien entre la caractérisation des peuplements d’Odonates et l’évaluation de l’état de conservation des habitats terrestres et aquatiques.
Pour l’évaluation de l’état de conservation des espaces naturels, une caractérisation des peuplements d’Odonates sur plusieurs sites contigus de milieux humides doux à légèrement saumâtre a été réalisée : la réserve de l’Estagnol, le site protégé des Salines de Villeneuve, le canal de la Bouffie et la source de la Madeleine (Hérault – 34).
Un ajustement des protocoles existants (méthode STELI, la boîte à outil RhoMeo et des études réalisées sur des milieux naturels similaires) a permis la mise-en-place d’un suivi des imagos et de prospections par rapport aux critères d’autochtonie.
Ces protocoles, mis en place de mai à août 2021 durant un stage de Licence professionnelle, ont permis d’apprécier les variations de cortèges odonatologiques inter et intra-sites et de mettre à jour la responsabilité des sites quant aux espèces d’intérêt patrimonial.
Principaux résultats
Parmi les principaux résultats de l’étude, il s’avère que les variations de ces cortèges sont peu perceptibles au sein d’une même zone humide mais visibles entre différents sites. Le premier élément visible est l’absence – présence d’espèces en fonction des habitats et/ou des sites.
Ces similarités et dissemblances de communautés s’expliquent principalement par la nature de la zone humide (temporalité de l’assec, salinité, absence/présence de végétations aquatiques et riveraines, qualité de l’eau) et par des corridors écologiques plus ou moins fonctionnels entre les sites. Presque la moitié des espèces rencontrées sont autochtones sur le complexe et utilisent les habitats pendant l’intégralité de leur cycle de vie : développement larvaire, maturation, dispersion, chasse, reproduction.
Il est essentiel de voir leur niche écologique sous le prisme d’un ensemble d’écosystèmes liés entre eux et non comme de simples zones en eau, dont les libellules sont entièrement dépendantes.
Cet état initial des communautés, bien qu’influencé par des conditions météorologiques particulières (assec prolongé) fera office d’élément de comparaison pour les autres années du suivi.
Les résultats sont comparables intra-sites mais inter-sites ils seront à nuancer du fait de la démoustication au Bacillus thuringiensis israelensis (Bti) réalisée sur les sites des Salines, de la Bouffie et de la Madeleine. Il semblerait que ce « bioinsecticide » ait un impact significatif sur l’abondance ainsi que la richesse spécifique des Odonates (Brühl et al., 2020; Jakob and Poulin, 2016).
Une connaissance servant à ajuster les mesures conservatrices des espèces ciblées
Connaitre l’écologie et la biologie des Odonates sous la responsabilité d’un espace naturel protégé se présente comme la meilleure solution pour ajuster les mesures conservatives des espèces en question. L’absence ou la présence de certains taxons sont un bon indicateur sur le long terme pour apprécier l’état de conservation des habitats.
- Lestes sponsa, qui est en responsabilité forte sur le complexe, est inféodé aux eaux stagnantes de tout type mais passe sa phase larvaire sur les plantes aquatiques immergées ou dans la vase. La survenue d’un printemps trop sec serait défavorable pour permettre l’éclosion et la survie des jeunes larves.
- Aeshna isoceles, en responsabilité faible sur les Salines, est sensible à la qualité de l’eau et donc aux intrants d’origine agricole. Le curage des étangs est à proscrire pour cette espèce.
- Pour Lestes barbarus et Lestes virens virens, tous deux en responsabilité faible, un asséchement précoce, le comblement des mares et le surpâturage semblent être les raisons de leur absence. Pour leur préservation, il convient de conserver les mares prairiales, les marais et les étangs ensoleillés et de limiter l’envahissement de leurs rives par les buissons et les arbres (Boudot et al., 2017).
La pression anthropique, notamment liée à l’agriculture et l’élevage intensif, et aux aménagements urbains, dégrade les sites potentiels de développement larvaire, de maturation et de transit des Odonates. Contrairement aux Anisoptères qui peuvent se déplacer sur plusieurs kilomètres, les Zygoptères ont besoin de sites « relais » pour se disperser. L’importance de conserver/restaurer des tronçons de ripisyvles et les mares dégradées et déconnectées adjacentes aux sites protégés, prend ici tout son sens pour permettre une mise en valeur de la trame bleue du complexe. Une homogénéisation des gestions conservatoires entre les sites pour ces espèces d’intérêt patrimonial semble indispensable pour leur préservation globale.
- Référence à citer :
Hingrat, M. (2021). Évaluation de l’état de conservation des habitats par la caractérisation des peuplements d’odonates du littoral méditerranéen occidental : état initial pour un suivi à long terme [Rapport de stage Licence professionnel]. Université de Pau et des Pays de l’Adour – CEN Occitanie – OFB – Conservatoire du littoral – Montpellier Méditerranée Métropole – Sète Agglopôle Méditerranée – RNN de l’Estagnol. 25 p.
- Contact
Cyril Marmoex
Conservateur RNN de l’Estagnol