Pour une approche systémique de la vulnérabilité des côtes face aux risques littoraux
Date de publication : 16/11/2015
Le coût économique croissant de l’érosion des côtes et des submersions qui peuvent s’y produire est mis en évidence à chaque nouvelle catastrophe affectant les territoires littoraux, et ce malgré les politiques actuelles de gestion et de prévention de ces risques. Cette croissance est d’une part associée aux processus naturels locaux ou globaux tels que les déséquilibres sédimentaires des plages, l’élévation séculaire du niveau marin, d’autre part les variations des conditions météorologiques agissant sur les rivages et qui en font des milieux naturellement mobiles. Pour autant ces processus sont loin d’être les seules causes de la croissance de ce coût de l’érosion littorale et de la submersion. Parallèlement, les territoires littoraux constituent des espaces convoités par les activités humaines et, au cours de la période contemporaine, ils sont le lieu d’une accumulation et d’un enchérissement des biens et d’une augmentation des personnes exposées.
Dans les politiques publiques, la prise en compte de l’aléa apparaît encore très prégnante, souvent selon une vision technique, tandis que celle des enjeux n’est pas réellement intégrée dans toutes ses composantes (sécurité civile, urbanisme, patrimoine, valeur environnementale, cadre de vie, etc.) et que la question des représentations est encore très largement éludée.
Considérant ces manques, le projet de recherche Cocorisco (COnnaissance, COmpréhension et gestion des RISques COtiers, 2011-2015) a l’objectif d’une part, de comprendre la vulnérabilité des côtes face aux risques d’érosion et de submersion et, d’autre part, de progresser vers des stratégies de prévention et de gestion. Ce projet privilégie une approche systémique de la vulnérabilité (Hellequin et al, 2013) fondée sur quatre composantes principales :
- les aléas (processus d’érosion et submersion, prédisposition des sites, événements actuels ou passés) ;
- les enjeux (biens et personnes exposées) ;
- les politiques de gestion, les mesures de protection et de réparation, les réglementations;
- les représentations : manière dont les acteurs locaux, gestionnaires de l’espace littoral (élus, services de l’Etat…) et usagers de cet espace (habitants, professionnels de la mer…) perçoivent leur environnement et les risques.
L’objectif de ce projet traité en interdisciplinarité est alors de mieux cerner la fragilité d’un système dans son ensemble et ses capacités de reconstruction, y intégrant à la fois la vulnérabilité structurelle et matérielle, mais aussi la vulnérabilité sociale (prenant en compte des facteurs tels que la structure de la population, l’organisation sociale et politique, les usages, les croyances…).
La finalité du programme Cocorisco est à destination des chercheurs et des gestionnaires des risques côtiers puisque les travaux ont permis de tester des méthodes d’appréhension des risques côtiers d’érosion et submersion marines.
Les gestionnaires ont demandé à avoir un outil opérationnel leur détaillant le maximum de critères pour faire leur choix parmi les méthodes proposées. Par conséquent le travail expérimental et collaboratif de Cocorisco mené entre des chercheurs, ingénieurs, gestionnaires (collectivités territoriales et services de l’État), techniciens de nombreuses disciplines, a conduit à co-construire un guide méthodologique qui a pour ambition d’aider les gestionnaires des zones côtières soumises à ces risques. Au cours du projet, des élus, techniciens de collectivités et administrations ont suivi et facilité la mise en œuvre du projet. Leur regard a permis d’éclairer les chercheurs sur leurs problématiques et attentes.
Après une présentation de la philosophie du guide et de ses auteurs, le cas fictif de la commune de Plonévez-les-flots est présenté pour souligner les dilemmes des élus face à la gestion des risques côtiers.
Les méthodes et les outils pour l’appréhension des risques d’érosion et de submersion marine sont exposés dans les chapitres du guide :
- Etablir un diagnostic territorial intégrant la dimension historique,
- Pourquoi s’intéresser aux gens ?
- Les archives historiques et géologiques au service de la connaissance des risques côtiers
- Comment suivre l’évolution de la topographie et de la bathymétrie de la zone littorale ?
- Les enjeux, une composante essentielle de la vulnérabilité
Enfin des fiches outils réglementaires, des fiches acteurs, sont présentés en dernière partie du document.
La profusion d’outils, de différents textes juridiques et stratégiques confrontent les élus locaux à l’extrême complexité de leur application. La complexité qui se décline à plusieurs échelles d’initiatives, de compétences et de mises en œuvre donne à voir un décalage entre l’esprit et les objectifs des textes d’une part, et les contraintes du terrain d’autre part.
La nécessaire « fixité » du droit est confrontée à la mobilité d’espaces restreints qui concentrent des enjeux disparates. Il faut également considérer le contraste existant entre les stratégies développées au niveau global (national ou européen) qui aboutissent assez facilement au consensus (Cousin, 2011 ; MEEDDM, 2010) et la réalité des situations sur le terrain où les conflits d’intérêt se multiplient au fur et à mesure que l’espace littoral disponible se raréfie et enchérit. L’option de la relocalisation des enjeux, préconisée au niveau national et majoritairement rejetée localement, illustre parfaitement cette dissonance.
Finalement, sauvegarder les populations et les biens exposés en renforçant les ouvrages de défense contre la mer (sureté des ouvrages hydrauliques, PSR) et en améliorant la gestion de crise, d’une part, tout en arrêtant la construction de nouveaux enjeux (PPRL) et en étudiant l’option de la relocalisation des activités et des biens pour s’adapter au changement climatique (Cousin, 2011), telle est la gageure actuelle de la gestion des risques côtiers. Les deux positions, défense et repli, ne sont pas forcément incohérentes puisqu’elles peuvent correspondre à deux échelles temporelles différentes : mettre à l’abri aujourd’hui et préparer des relocalisations pour demain. Mais leur articulation semble néanmoins confuse et il devient difficile pour un élu local aujourd’hui de s’y retrouver ; les mieux informés et conseillés saisiront en premiers les opportunités encore offertes par l’Etat.
- En savoir plus
Site web du programme Cocorisco
Guide méthodologique « Gestion des risques d’érosion et de submersion marines »