Restitution des résultats du projet EPHE-CEFE-CNRS et DREAL Occitanie
Depuis 2021 et 2022, l’Ecole Pratique des hautes Etudes (EPHE-CEFE) et la DREAL Occitanie ont collaboré sur un projet de recherche ayant pour objectif le développement et la validation d’un marqueur génétique ou barcode, pour détecter l’ADN environnemental (ADNe) du Crabe bleu (Callinectes sapidus).
La détectabilité de l’ADNe du Crabe bleu en milieu lagunaire et proche côtier (graus) a ensuite été éprouvée courant 2023 sur une trentaine de sites d’Occitanie. Une restitution des résultats de ce projet mené en 2 temps a été présentée en visioconférence le 15 janvier 2024 et a réuni une soixantaine de participants d’Occitanie, PACA et Corse.
Développement et validation d’un outil de suivi de l’invasion du Crabe bleu Callinectes sapidus en Méditerranée basé sur l’ADN environnemental
Ce projet visait à apporter au Ministère de la Transition écologique (MTE) et à la DREAL, des éléments de réponses à l’invasion du crabe bleu dans le cadre des directives Européennes et de ses politiques publiques ainsi que les moyens d’agir de manière concrète au niveau régional et local dans les milieux littoraux.
Les objectifs étaient d’avoir une méthode de détection précoce du Crabe bleu (CRB) qui permettra par la suite de mener des suivis dans le temps afin de détecter sa présence sur la base de l’ADNe présent de manière « libre » dans l’eau. La détection précoce, comme le suivi/gestion dans les secteurs à enjeux, fait partie du Plan d’Action Régional de lutte contre le Crabe bleu (PAR Crabe bleu). Cet outil est donc établi en application de la stratégie nationale de lutte contre les espèces exotiques envahissantes et de l’intégration du PAR « Crabe bleu » dans la stratégie régionale sur la biodiversité.
L’étude a été menée en 2 phases : le projet « CrabeeDNA 2020-2021 » pour initier le développement d’un Barcode Crabe bleu et s’assurer de sa validité en milieu naturel (non décrit ici), puis le projet « CrableuDNAInv 2022-2023 » qui a permis de valider définitivement au laboratoire et en milieu naturel un barcode fonctionnel, ainsi que de mener un premier suivi dans plus de 30 sites en Occitanie.
Plusieurs personnes et laboratoires ont été impliqués dans le projet.
© EPHE
1ere mise en œuvre des tests en aquarium et milieu naturel
Les projets « CrableuDNAInv 2021 et 2022-2023 » ont permis de valider un barcode situé sur le gène Cytochrome Oxydase 1 à la fois au laboratoire et en milieu naturel (lagunes, graus), ainsi qu’un nouveau protocole de laboratoire basé sur la de qPCR (24 réplicats) avec Sonde spécifique et sensible (10-5 ng/µL).
Ce protocole a d’abord été testé sur 20 prélèvements (5 sites) en milieu naturel, réalisés dans 3 lagunes (Canet, Etang de Thau, et Port de Pérol) et sur des prélèvements en aquarium. En milieu naturel, on a observé une détection de Callinectes sapidus sur les 3 sites testés dans deux lagunes, mais à priori sans corrélation entre la concentration ADNe et la densité de Crabes bleus. De même les observations dans des aquariums avec des densités variables de crabes n’ont pas permis de mettre en évidence de relation entre la densité de crabe et la concentration en ADN.
Déploiement des tests sur 31 sites d’Occitanie en lagunes et dans deux graus
Entre mai et juin 2023, les structures de gestion de 31 sites lagunaires et proche côtier ont contribué à l’échantillonnage par transect sur le terrain. L’équipe projet a été accompagnée par les gestionnaires dans le choix des sites, des transects à effectuer et des moyens matériel (embarcation des gestionnaires). Ce travail collaboratif a permis de tester l’outil dans des contextes très différents. L’ADNe a détecté la présence du crabe bleu sur 26 sites sur les 31 testés, et entre autres sur 4 sites qui n’avaient jusqu’alors pas de remontée d’observations visuelles (Salonique, Pierre Blanche, Canal du Rhône à Sète, et Canet côté Mer). Sur Salonique et l’étang Ingril, l’information d’observations est arrivée plus tard en saison, ce qui répond à l’attente de cette méthode visant la détection précoce de l’espèce.
La carte, et l’ensemble des résultats et des données de cette étude seront publiés et mis en ligne très prochainement (été 2024).
L’étude a tenté de prendre en compte la variabilité environnementale : teneur en vase, salinité / lumière, hydrodynamisme. Ces paramètres sont issus du rapport du projet de Cartographie des habitats en milieux lagunaires méditerranéens « CHAMILA » (Menu et al. 2019), récoltés entre les années 2012 et 2017, et moyennés. C’était une façon d’étudier tous les facteurs qui pourraient expliquer la présence du crabe et/ou interférer sur la manipulation. Les résultats montrent que les variables environnementales sont très discriminantes d’une lagune à l’autre. Cependant, cette espèce ayant été trouvée au final dans toutes ces lagunes connectées plus ou moins directement au milieu marin, l’habitat ne semble pas avoir d’impact pour expliquer la présence du crabe dans certaines lagunes testées et non dans d’autres à cette période de l’année (mai-juin).
A noter qu’il peut il y avoir des faux positifs en cas de contamination lors de l’utilisation du protocole. Toutes les mesures ont été prises sur le terrain pour éviter cela via l’utilisation de filtres & tubes neufs et stériles, en manipulant avec des gants, et en évitant des embarcations ayant servi à la pêche au Crabe bleu. En laboratoire lors des extractions d’ADN et lors des amplifications (qPCR), des témoins négatifs étaient toujours inclus et se sont bien avérés à chaque fois négatifs.
© EPHE
Conclusions
- L’ADNe est détectable à une dilution forte (>10-5 ng/µL)
- Mais il n’y a pas de variation prédictible entre la concentration en ADNe et la densité de crabes pour la gamme de densités considérées. Pas de corrélation entre la biomasse et l’intensité de la détection.
- Localisation de cet ADNe autour de 100 m depuis son site d’émission (selon les données dans la littérature).
- L’expérience est reproductible, et sa mise en œuvre nécessite une pompe, un filtre et une embarcation, et peut être transmise par une formation EPHE (transect avec pompage de part et d’autre d’une embarcation).
- La méthode est a priori utilisable quel que soit le type de site : lagunaire et proche côtier. Des pompages avec pompes immergées et manipulés par des plongeurs peuvent être déployés pour travailler en milieu profond.
- Des modèles d’occupation multi-échelles (site/filtre/qPCR) ont été développés et ont montré qu’il était intéressant de travailler :
- sur différents sites d’une même localité, surtout quand elle est hétérogène en termes d’habitats (plusieurs secteurs à contrôler et à des périodes à cibler)
- à partir de deux échantillons (2 filtres nécessaires au minimum par site = 2 réplicats)
- avec au moins 11 qPCR pour s’assurer du résultat et éviter un biais de détection
Ce qui ouvre aussi à quelques questions et perspectives d’utilisation :
- Le couplage modélisation et étude ADNe est extrêmement intéressant, permettant de donner un support statistique aux méthodes déployées.
- A vérifier sur la période de l’année si la détection est variable (= saisonnalité).
- L’intérêt est aussi de pouvoir détecter cet ADNe à des lieux et des périodes où le Crabe bleu n’est pas encore observé, et vérifier sa présence dans certains secteurs des lagunes, en proche côtier, estuaires, dans les périodes de migration, sur des secteurs à enjeux économiques ou de forte biodiversité.
- L’adaptation et l’évolution du protocole pour intégrer des notions de profondeurs différentes, un gradient d’eau douce (spatialisation des points de détection dans une lagune ou en proche côtier) peut s’imaginer pour vérifier si l’ADNe est détectable à certains endroits d’un site plutôt qu’à d’autres et travailler sur la temporalité.
Le Pôle-relais lagunes méditerranéennes reste disponible pour recueillir des questions ou besoins de mise en projet en retour de cette méthode de détection précoce.
Pour les questions techniques et relatives à la R&D, contactez Stéphanie Manel et Erwan Delrieu.
- Contacts équipe projet
Laetitia Cornil, Chargée de mission Milieu marin et côtier Montpellier, DREAL Occitanie
Stéphanie Manel, Directrice d’études, EPHE- PSL
Claude Miaud, Directeur d’études, EPHE- PSL
- En savoir plus
Compte-rendu de la réunion de restitution de l’étude
Présentation lors de la réunion de restitution
- Référence
Menu, Marion, Sandrine Vaz, Touria Bajjouk, Valerie Derolez, Annie Fiandrino, Anais Giraud, Patrick Grillas, et Vincent Ouisse. 2019. « Rapport final du projet CHAMILA (Cartographie des habitats en milieu lagunaire méditerranéen) », novembre. https://archimer.ifremer.fr/doc/00593/70545/