Après 10 ans de restauration ou de création d’îlots propices aux mouettes, goélands et sternes sur l’ensemble du littoral méditerranéen par des structures gestionnaires d’espaces naturels, les résultats du suivi sont maintenant connus et très encourageants. Ces actions ont permis de restaurer ou créer des sites de nidification plus attractifs que leurs homologues naturels avec un taux d’occupation plus important et un succès de reproduction plus élevé. Ces résultats prometteurs sont dévoilés ce 29 mars 2023 dans un article publié dans le journal Conservation Biology.
Des sites de nidification détériorés mettant en péril des colonies d’oiseaux de la côte méditerranéenne
Sept espèces de mouettes, goélands et sternes se reproduisent en colonies mixtes dans les marais, lagunes et salines de la côte méditerranéenne française : la mouette rieuse, la mouette mélanocéphale, le goéland railleur, la sterne caugek, la sterne hansel, la sterne pierregarin et la sterne naine. Le statut de conservation de la plupart de ces espèces est devenu préoccupant ces dernières décennies et ce notamment du fait de la détérioration de leurs sites de nidification.
Les résultats de cette étude concernent 154 îlots qui ont été restaurés ou créés entre 2007 et 2016 grâce à un important effort collectif dans le cadre de différents programmes de conservation dont le projet Life+ ENVOLL.
Déjouer les écueils de la restauration
Même avec les meilleures intentions, les interventions humaines ne produisent pas toujours les résultats escomptés. Certes, la restauration permet souvent la création d’habitats attrayants pour les espèces menacées, et ce généralement parce qu’on tente de reproduire les caractéristiques des habitats naturels de bonne qualité. Néanmoins, la qualité réelle du site restauré peut être insuffisante, de sorte que la reproduction peut être compromise ou moins bonne dans l’habitat restauré. Une telle inadéquation entre l’attractivité et la qualité des habitats restaurés crée ce que l’on appelle un « piège écologique ». Nous avons voulu nous assurer que tel n’était pas le cas pour ces îlots restaurés sur la façade méditerranéenne et qu’ils remplissaient bien leur rôle. Pour cela, nous avons analysé les données issues des 10 ans de suivi mis en œuvre par les structures impliquées.
Attractivité des îlots restaurés
Les îlots restaurés et créés sont plus attractifs que leurs homologues naturels, pour six espèces sur sept – l’exception étant la mouette rieuse. Le projet de restauration a donc réussi à créer des sites de nidification attractifs. Il a aussi été montré que la colonisation d’un îlot par une espèce était plus élevée lorsque les sites avaient été occupés par d’autres espèces l’année précédente. De plus, les colonies avaient tendance à être plus fidèles à leur site de reproduction lorsque la reproduction avait été réussie l’année précédente. Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que l’attractivité des îlots restaurés augmentait avec la distance au rivage, suggérant que l’isolement de l’îlot est associé à la perception d’un risque réduit de prédation par des prédateurs terrestres (blaireaux, renards etc.).
Enfin, il a été démontré que la reproduction des différentes espèces se déroule mieux sur les îlots restaurés, avec des chances de succès plus élevées et un nombre plus important de poussins parvenus jusqu’à l’envol.
Cette étude montre ainsi que les sites de nidification construits ou restaurés par les gestionnaires se sont avérés à la fois attractifs et de bonne qualité pour les espèces ciblées, de sorte qu’ils n’ont pas créé de pièges écologiques. Au contraire, ces résultats permettent de conclure au succès de ce projet de restauration. Ce qui laisse espérer que d’autres gestionnaires pourront s’en inspirer ailleurs, en Méditerranée et dans le monde, pour pallier la dégradation des habitats de ces espèces d’oiseaux.
Référence de l’article
Schwartz Timothée, Aurélien Besnard, Christophe Pin, Olivier Scher, Thomas Blanchon, Arnaud Béchet et Nicolas Sadoul. 2023. Efficacy of created and restored nesting sites for the conservation of colonial Laridae in the south of France. Conservation biology. 37(2).e14005 : http://dx.doi.org/10.1111/cobi.14005