En 2021, le Ministère de la Transition écologique (MTE) en partenariat avec l’OFB, PatriNat OFB-CNRS-MNHN et un Pôle-relais zones humides (lagunes méditerranéennes) a réalisé l’inventaire des besoins en recherche appliquée auprès des acteurs gestionnaires des milieux humides de métropole et d’Outre-mer. Cette synthèse a été réalisée en parallèle du 4ème Plan National en faveur des Milieux Humides (PNMH).
A l’issue du stage de master 2 de Loëlia Maire à la direction de l’eau et de la biodiversité du MTE, une synthèse recense les besoins opérationnels, les freins perçus par ces acteurs techniques et la sphère scientifique quant à la gestion et la connaissance des milieux humides sur la période 2011-2021.
Cette synthèse suggère aussi des axes de recherche à privilégier pour améliorer les connaissances sur ces milieux : perspectives pour rapprocher la programmation scientifique avec les besoins des acteurs techniques, pour une meilleure compréhension des freins limitant l’action et la connaissance.
Retour sur la méthode employée
La méthodologie employée repose sur un travail précédent du Muséum national d’Histoire naturelle, qui avait réalisé le même travail sur la période 2001-2011 (Synthèse des acquis et des besoins opérationnels – Zones humides, recherches et développements (2001 – 2011) – Fascicule 1 : méthodes. Service du patrimoine naturel, Muséum national d’histoire naturelle, Paris). Cette enquête s’est adressée aux structures « planificatrices » (par ex. Agences de l’Eau, DREAL, DDT(M)), « représentantes des usagers et gestionnaires » (par ex. syndicats mixtes, EPCI, associations) ainsi qu’aux structures privées (par ex. bureaux d’études, fondations). L’échantillon d’acteurs techniques sollicité est représentatif de la pluralité des gestionnaires des milieux humides, mais celui des chercheurs est plus succinct. Cela suggère donc de plutôt analyser les tendances qui se dégagent de l’analyse de perception des scientifiques que le détail des données.
La composante scientifique contient :
- un inventaire des projets de recherche. 200 projets de recherche ont été détectés dans les domaines des sciences de la Nature et des sciences sociales et humaines ;
- des entretiens dirigés avec 11 chercheurs, considérés comme des références nationales sur leur thématique ont complété cet inventaire ;
- un questionnaire à destination de la communauté de recherche sur les milieux humides a permis d’établir les profils des chercheurs de manière précise.
La composante technique de la synthèse repose sur le résultat d’une enquête auprès des acteurs techniques impliqués dans la gestion des zones humides pour identifier les freins à la réalisation de leur mission de gestion des milieux humides, mais également leurs besoins en méthodes et outils.
Principaux axes de recherche exprimés suite à l’analyse des résultats :
1. Perception comparée des acteurs techniques et des scientifiques quant aux freins rencontrés
Existe-t-il une convergence entre les projets de recherche réalisés sur la période 2011-2021, les avis des chercheurs interrogés et des acteurs techniques, quant aux freins limitant la mise en œuvre d’une gestion efficace des milieux humides ? Quels sont les obstacles les plus communs qui pourraient expliquer que malgré les actions mises en place depuis plusieurs années, les milieux humides continuent de régresser ?
En retour de l’analyse des données de cette section, il en ressort les axes de recherche suivants :
- sur l’accès à des données homogènes : Améliorer le libre accès aux données brutes (inventaires floristiques, faunistiques ou “milieux humides”) pour pallier le manque de matériel utilisable pour le secteur de la recherche.
- sur l’application réglementaire et la gouvernance : Évaluer la qualité de la réglementation à travers une analyse de ses impacts et une consultation des acteurs techniques et scientifiques. – Libérer l’action des chercheurs et des acteurs techniques par la simplification des démarches menant à la mise en œuvre des actions en faveur des milieux humides. – Favoriser la vulgarisation des textes de loi et des politiques publiques pour une meilleure appréhension des mesures prescrites par les acteurs techniques et les chercheurs.
- dans le dialogue entre les acteurs et l’apport de connaissance : Recenser précisément les différentes initiatives (plateforme d’échanges, séminaires, groupe thématique, etc.) visant à favoriser les échanges sciences et gestion et mettre en place une stratégie les promouvant à grande échelle. – Promouvoir de nouvelles interfaces facilitant le développement et le transfert des projets de recherche à vocation opérationnelle. – Mettre en place une stratégie de communication autour de ces initiatives afin de normaliser leur utilisation.
2. Intérêt comparé des acteurs techniques et des chercheurs quant aux besoins opérationnels pour les milieux humides
Il s’agit de donner une représentation des axes privilégiés ou non par les acteurs en étudiant la convergence entre les projets de recherche réalisés sur la période 2011-2021 sur tout type de milieux humides, les avis du panel de chercheurs interrogés et les besoins opérationnels des acteurs techniques.
- Les axes de recherche « par types de milieux humides » ressortis des analyses sont :
– Pour les 2 sphères d’acteurs : – Continuer de soutenir les projets de recherche portant sur les milieux humides : “tous types de milieux humides”, “prairie humide”, “étang”, “marais”, “tourbière”, “mare”, “zones humides alluviales”, “lagune” et “mangrove »
– Pour les chercheurs : – Continuer de soutenir les projets de recherche à finalité opérationnelle sur les estuaires, les vasières et les zones humides en tête de bassin. – Identifier si les connaissances produites par ces projets sur la période 2011-2021 sont transférables et transférées aux acteurs techniques. – Le cas échéant, mettre en place des systèmes de transfert des résultats opérationnels vers les acteurs gestionnaires.
– Pour les acteurs techniques uniquement : – Continuer de soutenir les projets de recherche à finalité opérationnelle sur les ripisylves, les lacs, les marais salants, les bras morts et les roselières. – Evaluer les besoins “résolus” par la recherche sur la dernière décennie.
– Concernant les zones humides « orphelines » : Inclure les ensembles de zones humides “orphelins” dans les programmes de recherche en identifiant préalablement ceux parmi lesquels les enjeux de connaissance sont ou seront les plus cruciaux.
– Sur le point focus DROM-COM : – Continuer de soutenir les projets de recherche à finalité opérationnelle sur les mangroves. – Identifier les autres milieux humides propres aux DROM-COM et les intégrer aux programmes de financement.
- Les axes de recherche « par problématique » sont :
– Pour les 2 sphères d’acteurs : – Continuer de soutenir les projets de recherche à finalité opérationnelle portant sur les ressources en eau, l’habitat faune & flore, l’évaluation de l’état et les inventaires. – Mettre en place une méthodologie nationale d’inventaire permettant d’accéder à des données accessibles et cumulables.
– par la sphère opérationnelle : – Inclure davantage les problématiques portant sur l’évaluation et l’organisation de l’action au sein des projets de recherche à finalité opérationnelle. – Inclure davantage la problématique de la recharge des nappes au sein des projets à finalité opérationnelle. – Identifier clairement les acteurs et leurs rôles dans la gestion des milieux humides.
– par les chercheurs : Inclure des problématiques « orphelines » dans les programmes de recherche en identifiant au préalable lesquelles comportent des enjeux de connaissance actuellement et prochainement importants, notamment les enjeux sanitaires.
Pour conclure par une comparaison des sujets de recherche investis sur les périodes 2001-2011 et 2011-2021, il convient de préciser que les catégories de sujets de recherche sont similaires. On en déduit que la recherche s’est poursuivie sur une lancée semblable depuis 20 ans quant aux problématiques étudiées.
3- Concordance des besoins techniques et des perspectives de recherche évoqués
Issue des résultats des analyses terminologiques, les besoins actuels exprimés par la sphère opérationnelle et les projections de la recherche relèvent en particulier les points suivants :
– inventaires ZH : Poursuivre les projets existants visant à mettre en place une cartographie des milieux humides sur le territoire, en incluant les DROM-COM. – Mettre au point une méthodologie d’inventaire faunistique et floristique solide à l’échelle du territoire, incluant les DROM-COM afin de permettre un recensement généralisé basé sur des indicateurs fiables.
– restauration des sites : Élaborer une méthodologie de suivi de restauration nationale permettant d’évaluer les actions une fois mises en place sur le long-terme. – Favoriser les travaux de recherche portant sur des pas de temps longs (historiques) avant de définir la nature des actions de restauration.
– production de connaissance : Inclure dans la programmation scientifique davantage de projets de recherche portant sur les fonctionnalités des milieux humides, sur le fonctionnement hydrique et hydrologique des milieux humides. – Favoriser le transfert des résultats de recherche portant sur ces sujets vers les acteurs techniques.
– communication et sensibilisation : Soutenir les projets visant à sensibiliser les différents acteurs du territoire quant aux milieux humides et les enjeux qui s’y rattachent.
– dialogue et participation des acteurs : Favoriser la mise en place d’une stratégie de concertation intégrant l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion ou l’usage des milieux humides.
– accompagnement : Continuer de soutenir et promouvoir la mise en place de systèmes d’échanges science-gestion afin de permettre aux acteurs techniques de bénéficier d’accompagnement et de conseils de la part de la recherche sur les thématiques qui les préoccupent. – Soutenir les systèmes déjà à l’œuvre qui facilitent le transfert des méthodes et outils issus de la recherche.
– poursuivre la promotion des approches intégrées entre différents types de sciences et champs disciplinaires au sein des projets de recherche.
En conclusion
Les axes de recherche évoqués au sein de ce travail préconisent, de manière globale, de davantage investir des sujets de recherche portant sur les milieux humides et les problématiques présentant directement un intérêt pour la sphère opérationnelle.
– Concernant certaines problématiques, la recherche répond théoriquement aux besoins opérationnels des acteurs techniques, notamment des prairies humides, des marais, les lagunes ou encore les zones humides alluviales. Il en va de même pour certaines problématiques, comme la ressource en eau ou l’habitat faune & flore, par exemple.
– Un manque de transfert opérationnel est néanmoins souligné par les acteurs techniques puisqu’ils mentionnent le besoin de davantage d’appui scientifique. Il convient donc de développer davantage les interfaces d’échange entre les deux sphères.
Cependant tous ces besoins ne peuvent être satisfaits par les scientifiques, pour des raisons diverses : – décalage entre besoins opérationnels et production scientifique (la production scientifique existe sur le sujet mais n’est pas assez opérationnelle) ; intérêt divergent entre la recherche et la sphère opérationnelle, comme par exemple les ripisylves ou encore les marais salants, qui trouvent un intérêt chez les acteurs gestionnaires mais par au sein de la recherche ; le cas avec les problématiques comme l’évaluation et l’organisation de l’action, autrement-dit, le suivi des mesures mises en place.
Finalement, l’une des conclusions de cette synthèse porte sur un réel besoin d’accompagnement des acteurs techniques, par la recherche. Le transfert de connaissances et même de compétences semble encore trop réduit, au vu des résultats obtenus. Un constat similaire avait été fait lors de la 1ère synthèse (Gayet, 2016), ce qui souligne des efforts encore trop peu efficients concernant la mise en place d’interfaces de transfert science-gestion.
- En savoir plus
Programme national de recherche sur les zones humides
Point sur la recherche scientifique et ses débouchés opérationnels 2001-2011
Télécharger : La synthèse nationale des projets de recherche et besoins opérationnels consacrés aux Milieux Humides sur la période 2011-2021
Chantiers en cours
Prélocalisation et inventaires :
- Stratégie nationale d’organisation des données sur les milieux humides
- Carte nationale milieux humides
- Bancarisation des inventaires de zones humides et marais dans le Réseau Partenarial des Données sur les Zones Humides qui doit être refondu prochainement
Suivi ERC, d’observation et de restauration
- Méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides (version 2 à venir en 2022)
- Méthodes d’évaluation de l’état de conservation des habitats humides
- Programme MHEO sur le suivi des milieux humides (protocole pédologique, piézométrique, flore, odonates, amphibiens)
- Programme hydrindic (piézométrique)
- Programme suivi minimal hydromorphologique CE et Plan d’eau
Pour la communication, la sensibilisation et l’accompagnement des acteurs (formations)