L’exemple des étangs palavasiens (34), parution de la thèse d’Amandine Leruste
Date de mise à jour : 29/06/2016
Résumé de la thèseLe complexe des étangs Palavasiens a été profondément dégradé par les pressions anthropiques, en particulier par un enrichissement nutritif intensif provenant des effluents de la station de traitement des eaux de l’agglomération Montpelliéraine. Cet enrichissement a engendré un gradient trophique de la méso- à l’hypertrophie dans ces huit lagunes, altérant la composition des communautés, vers une dominance du phytoplancton. Le phytoplancton témoigne d’une réponse rapide à la variabilité environnementale, et son importante diversité lui permet de refléter de nombreux processus écologiques. Ce compartiment constitue donc un indicateur du fonctionnement des écosystèmes aquatiques pertinent, sélectionné dans le cadre de cette étude.
Depuis décembre 2005, les effluents responsables de l’eutrophisation des lagunes palavasiennes ont été déviés dans la mer Méditerranée. Cette mesure a réduit de 70 à 83 % les apports en phosphore et azote inorganiques, initiant un processus de restauration écologique.
Cette thèse a visé à mieux comprendre les processus de restauration des lagunes Méditerranéennes à travers l’étude des trajectoires d’évolution des communautés phytoplanctoniques. L’analyse de 14 ans de données de 2000 à 2013 a montré que la restauration des lagunes a permis une amélioration de la qualité de l’eau, principalement liée à la réduction drastique de la biomasse phytoplanctonique.
L’analyse des trajectoires des communautés phytoplanctoniques depuis la réduction des apports a reflété une modification de la composition phytoplanctonique illustrant la modification de l’origine et de la forme des nutriments disponibles. Elle traduit notamment l’importance des flux d’ammonium et de phosphates sédimentaires et des stocks de matière organique. La variabilité saisonnière de la diversité taxonomique et fonctionnelle des communautés phytoplanctoniques de deux lagunes du complexe des étangs Palavasiens aux niveaux d’eutrophisation contrastés, comparée à celle d’une lagune oligotrophe, a mis en évidence des particularités des communautés témoignant de fonctionnements écologiques distincts, et principalement lié à la dégradation des lagunes par l’eutrophisation.
Les résultats de cette thèse indiquent que les processus de restaurations restent inachevés. La biomasse phytoplanctonique tend à ré-augmenter depuis 2012 en réponse à des conditions climatiques favorables. Le phytoplancton des lagunes palavasiennes répond toujours fortement à un pulse nutritif, illustrant la vulnérabilité des lagunes vis-à-vis d’un enrichissement d’origine anthropique.
|
Contexte
Depuis Octobre 2012, dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université de Montpellier, Amandine Leruste a étudié les trajectoires d’évolution des communautés phytoplanctoniques, dans le but de mieux comprendre les processus de restauration écologique des lagunes côtières. Le complexe des étangs palavasiens constituait le site idéal pour mieux comprendre ces mécanismes. En effet, il présentait un gradient d’eutrophisation lié à un enrichissement intensif en nutriments inorganiques dissous localisé au nord du complexe. Cet enrichissement était principalement causé par les effluents de la station de traitement des eaux usées de l’agglomération de Montpellier, qui étaient indirectement apportés aux lagunes du complexe par le Lez. La réduction drastique en décembre 2005 de ces apports nutritifs grâce à la modification de la station de traitement des eaux usées (Maera) a initié un processus de restauration écologique simultané sur l’ensemble des lagunes du complexe.
Principaux résultats
En premier lieu, l’analyse de la base de données estivale construite grâce au suivi des caractéristiques environnementales et biologiques de ces lagunes de 2000 à 2013 par le Réseau de Suivi Lagunaire (Ifremer, Région Languedoc-Roussillon, Agence de l’eau RMC, Cepralmar) a mis en évidence une réponse marquée des lagunes à la réduction des apports. La qualité de l’eau des lagunes s’est rapidement améliorée du fait d’une forte réduction de la biomasse phytoplanctonique proportionnelle au niveau d’eutrophisation des lagunes avant 2006. Cette réduction a été particulièrement marquée entre 2006 et 2007, et était associée à la diminution des abondances de picoeucaryotes.
Une analyse complémentaire de la composition pigmentaire du phytoplancton de 2006 à 2013 a mis en évidence une chute des abondances de Diatomées < 5 µm, principalement présentes dans les lagunes avant la réduction des apports grâce à leurs forte compétitivité pour l’acquisition des nutriments inorganiques dissous et leurs taux de croissance avantageux. En parallèle, les lagunes du nord du complexe, les plus dégradées par les processus d’eutrophisation (Méjean, Grec) ont témoigné d’une forte hausse de la proportion des pigments indicateurs des algues vertes. Ces organismes ont tiré avantage de la nouvelle dominance des flux nutritifs d’origine sédimentaire, principalement sous la forme d’ammonium et de phosphates. Grâce à leur taux de croissance très compétitifs en particulier en période estivale quand les températures sont élevées, et leur forte tolérance à la variabilité de salinité, ce groupe a remplacé les Diatomées < 5 µm dans la dominance estivale des communautés phytoplanctoniques. Dans un second temps, les Dinophytes ont également montré une présence plus marquée dans l’ensemble des lagunes du complexe des étangs palavasiens. Ces organismes possèdent des taux de croissance plus lents et des capacités mixotrophes (capacité à utiliser d’autres types de ressources que les nutriments inorganiques dissous pour synthétiser leur matière organique), qui leur permettent de s’adapter et se maintenir dans des milieux limitants en nutriments inorganiques dissous. Ils peuvent notamment utiliser la matière organique particulaire ou dissoute, très abondante dans les lagunes eutrophisées, ou consommer des cellules phytoplanctoniques ou bactériennes. Certaines espèces de Dinophytes ont par ailleurs montré une augmentation de leur abondance et une dominance dans d’autres systèmes soumis à un processus de restauration écologique, telle que la lagune de Thau et la Mer intérieure de Séto, au Japon.
En deuxième lieu, les stratégies d’adaptation du phytoplancton aux niveaux d’eutrophisation contrastés des lagunes et à la variabilité environnementale saisonnière a été approfondie. La caractérisation de la diversité taxonomique et fonctionnelle a été étudiée dans deux lagunes du complexe des étangs palavasiens sous l’influence directe de leur bassin versant et présentant des niveaux contrastés d’eutrophisation : Ingril nord, mésotrophe, et Méjean (station ouest), hypereutrophe. La diversité taxonomique a été évaluée au cours des saisons pendant deux cycles annuels, de février 2013 à Décembre 2014. La diversité fonctionnelle reflétant le rôle des organismes et leur adaptation à la disponibilité nutritive a ensuite été précisée pour les saisons automnales, printanières et estivales, au cours desquels des efflorescences algales ont été mise en évidence au cours du suivi mensuel. Enfin, dans le cadre d’une expérience d’enrichissement ponctuel, menée dans la Station de l’Environnement Littoral MEDIMEER à Sète, a permis de comprendre l’impact d’un enrichissement nutritif sur les communautés phytoplanctoniques des lagunes Ingril nord et Méjean (station ouest) des étangs Palavasiens, en automne 2013, printemps et été 2014. La réponse de ces communautés phytoplanctoniques a témoigné d’une vulnérabilité toujours très forte des lagunes palavasiennes face à un enrichissement d’origine anthropique. Ces réponses ont été comparées à celles de la communauté phytoplanctonique d’une lagune oligotrophe, Ayrolle, dans le complexe des étangs Narbonnais. Cette comparaison a confirmé la forte vulnérabilité des lagunes palavasiennes, car la réponse du phytoplancton de la lagune Ayrolle a été beaucoup moins marquée, témoignant d’une adaptation à l’oligotrophie. Ces expériences ont également été menées en parallèle dans les trois saisons dans la lagune de Biguglia, dans le cadre d’une collaboration avec Nathalie Malet (Ifremer Bastia), et Vanina Pasqualini (Université de Corse, Corte).
Depuis 2011, une tendance à la ré-augmentation des biomasses est observée dans les lagunes palavasiennes. Bien que relativement faible par rapport aux niveaux enregistrés avant la réduction des apports nutritifs, cette tendance témoigne d’une stagnation des processus de restauration écologique.
De plus, la réactivité du phytoplancton des lagunes palavasiennes à un enrichissement nutritif confirme que malgré la forte chute de la biomasse et la restructuration des communautés phytoplanctoniques, ces lagunes sont toujours très vulnérables aux processus d’eutrophisation. Ce résultat est également relayé par la faible amélioration du compartiment sédimentaire mis en évidence par le Réseau de Suivi Lagunaire (Rapports RSL).
Ces constats impliquent donc une poursuite de la réduction des nutriments apportés aux lagunes par le bassin versant, et une réflexion sur le devenir des stocks de nutriments présents dans ces lagunes, qui freinent probablement les processus de restauration écologique.
L’ensemble de ces travaux de thèse a été présenté lors de la soutenance de thèse d’Amandine Leruste, le 22 Avril 2016, devant un jury composé de Rutger de Wit et Béatrice Bec (Laboratoire MARBEC), encadrants de la thèse, Vanina Pasqualini (Université de Corse) et Cédric Bacher (Ifremer Plouzané), rapporteurs, Philippe Souchu (Ifremer Nantes) et Marc Bouvy (Laboratoire MARBEC), examinateurs, et Nathalie Malet (Ifremer Bastia), co-encadrante invitée.
- En savoir plus
Article paru dans la lettre des lagunes de novembre 2013
Consulter la notice bibliographique et télécharger la thèse sur la base documentaire du Pôle lagunes
- Contact