Depuis les années 2000 des mesures et actions de gestion ont permis de réduire les apports d’éléments nutritifs aux lagunes et ce dans le but d’atteindre un bon état écologique. Dans de nombreuses lagunes, ce changement a été marqué par un processus d’oligotrophisation de la colonne d’eau et une évolution des assemblages d’espèces végétales.
Depuis la moitié du 20ème siècle, les apports excessifs en nutriments ont conduit à des processus d’eutrophisation et à une dégradation d’un grand nombre de lagunes méditerranéennes. L’eutrophisation entraine des modifications importantes au sein des producteurs primaires, impactant l’état écologique de ces écosystèmes. Face à ce constat, des mesures de gestion ont été mises en œuvre au début des années 2000 visant à réduire les apports en éléments nutritifs afin d’atteindre un « bon état écologique » conformément à la Directive Cadre sur l’Eau. Suite à ces actions, de fortes diminutions des apports en nutriment ont été enregistrées pour plusieurs systèmes lagunaires conduisant à des processus d’oligotrophisation (c.a.d processus inverse de l’eutrophisation) de la colonne d’eau.
Dans le cadre de la Thèse d’Inès Le Fur, des données à long terme (1998-2015) des paramètres de la colonne d’eau et des macrophytes recueillies au sein d’un large panel de lagunes (21 lagunes polyhalines et euhalines) soumises à différentes intensités d’eutrophisation ont été analysées afin de mieux comprendre les trajectoires de restauration des macrophytes.
Les résultats de ces analyses ont permis de proposer un schéma général exprimant les changements des assemblages de macrophytes au cours du processus d’oligotrophisation des lagunes. Ainsi la trajectoire de re-oligotrophisation dans les lagunes côtières méditerranéennes peut être décrite selon la séquence suivante avec des changements de régime entre chaque état (régime shift): (1) basculement d’un système dominé par le phytoplancton avec un sédiment nu caractérisé par l’absence de macrophytes vers (2) un système dominé par les macroalgues opportunistes au sein duquel une dynamique est observée puis changement vers (3) un système dominé par des herbiers et des macroalgues pérennes. Cependant, le passage d’un milieu hypereutrophe vers un milieu oligotrophe caractérisé par la présence d’espèces pérennes n’a pu être illustré dans cette étude. En effet, les lagunes les plus eutrophisées restent pour le moment dans un système dominé par les macroalgues opportunistes (2). Le rétablissement des macrophytes pérennes dans ces milieux sera probablement un processus long. Le passage d’un système dominé par les macroalgues opportunistes vers un système dominé par les herbiers a été pour le moment observé dans une lagune dans laquelle les herbiers n’avaient pas complètement disparus, ce qui pourrait être lié à la capacité de résilience du milieu.
De manière générale, les mécanismes et les conditions favorables au basculement du système dominé par les macroalgues opportunistes aux herbiers sont encore mal connus. Seul un suivi à long terme permettra de suivre le rétablissement des macrophytes dans les lagunes dans un contexte de restauration passive.
Référence bibliographique : Le Fur I, De Wit R, Plus M, Oheix J and others (2019) Re-oligotrophication trajectories of macrophyte assemblages in Mediterranean coastal lagoons based on 17-year time-series. Mar Ecol Prog Ser 608:13-32. https://doi.org/10.3354/meps12814