Réinventer la façade lagunaire de Sète
Photomontage quartier de Thau © Ken Novellas
Le risque comme moteur de projet
Partant du constat que les villes méditerranéennes sont partout en pleine recomposition mais que ces requalifications tiennent peu compte des risques littoraux et de leur intensification liée au changement climatique, un projet a été engagé et présenté dans le cadre du diplôme de Paysagiste DPLG de Ken Novellas à l’École Nationale Supérieure de Paysage de Marseille-Versailles.
La submersion marine, la surcote liée au changement climatique et les inondations liées aux orages et à l’imperméabilisation des villes, apparaissent comme les défis de demain.
L’enjeu a été de considérer que ces phénomènes ne sont pas qu’une limite, un risque ou une disparition. Ils sont aussi des opportunités pour recomposer les littoraux trop souvent préemptés et donc sans partage.
L’objectif du projet a ainsi été de démontrer ce potentiel qu’offre la montée du niveau de la mer aux territoires pour qu’ils apparaissent ainsi plus à même de répondre aux enjeux du changement climatique. Le maître mot a donc été l’adaptabilité, afin de concevoir de nouvelles manières d’aménager et de vivre les territoires littoraux en Méditerranée, et dans le cas de ce projet, la façade lagunaire de Sète.
Le territoire de la lagune de Thau est soumis à plusieurs risques littoraux : la submersion marine, l’élévation du niveau de la mer (+1m d’ici 2100 selon le GIEC), les inondations dues aux orages et à l’imperméabilisation des villes, mais aussi le risque de pollution d’origine agricole et industrielle.
Une approche multiscalaire : d’une stratégie territoriale à la requalification de quartiers
Après une analyse approfondie du territoire, l’objectif a été de construire une stratégie territoriale qui faisait du risque un élément fédérateur et ainsi créer une véritable solidarité territoriale :
- Reterritorialiser la ville de Sète et développer les liens avec l’arrière-pays par la mobilité : Pôle multimodal, BHNS, navette maritime, stationnements automobiles, etc.
- Intégrer le fonctionnement de la lagune dans une vision territoriale future : limiter les pollutions agricoles et industrielles, créer un réseau de jardins filtrants connectés aux principaux cours d’eau, mieux contrôler les pompages d’eau dans la nappe phréatique, etc.
- Réinventer les territoires littoraux par l’adaptabilité face aux risques : Expérimentation sur le lido, agriculture salée, nouveaux procédés anti-érosion, désimperméabilisation de la ville, créer de nouveaux modèles d’espaces publics, etc.
Sur Sète, l’objectif a été de requalifier cette façade lagunaire pour qu’elle apparaisse non plus comme un arrière de ville, mais comme :
- Une façade lagunaire composée de lieux d’aménités urbaines et adaptés aux risques inondations,
- Une continuité écologique littorale, espace tampon prenant la forme de jardins submersibles salés,
- Un espace d’expérimentation concernant ces phénomènes d’inondations et modes de vie littoraux.
Ainsi, plusieurs problématiques sont apparues dans les différents quartiers de la ville :
- L’île de Thau est un quartier sensible, qui présente une forte densité de population à Sète. Comment limiter les risques tout en améliorant le cadre de vie des habitants, notamment en développant le concept de jardin salé?
- L’arrière de la gare ferroviaire est un lieu oublié qui possède un grand potentiel urbain et paysager. Comment recomposer cette façade lagunaire et ouvrir Sète sur son arrière-pays viticole et ostréicole, tout en offrant une promenade littorale partant d’un nouveau parvis de gare ?
- Le quartier des chais à l’Est est actuellement en projet. Comment concevoir un espace public en utilisant l’événement (submersion, inondation) comme un atout transformant l’espace public? Comment réinventer nos manières de vivre sur le littoral ?
La stratégie territoriale s’est organisée autour de trois grands thèmes : mobilité et tourisme agricole, écologie de la lagune et gestion de l’eau, risques et territoires littoraux. Autour de ces trois axes, une ville d’expérimentation : Sète. C’est une ville emblème du territoire, au cœur de ces trois enjeux et qui présente un fort risque d’inondation : 16% de la population vit en zone inondable (par submersion ou lors d’épisodes pluvieux intenses). Parallèlement à cela, la requalification de certains quartiers sétois engendre de forts enjeux urbains : amélioration du cadre de vie, mobilité, végétalisation de l’espace public, requalification d’espaces littoraux délaissés, construction de logements et densification de la ville, requalification des entrées dans la ville, etc.
Les paysagistes et le projet littoral
En France, l’attractivité que représente l’espace littoral couplée à la multiplication et la diversité des enjeux qui touchent celui-ci (pression foncière, intensification des risques liés au changement climatique, écologie et re-naturalisation du littoral, densification urbaine, tourisme…) amènent de nombreux territoires à faire appel à des paysagistes. La qualité du paysagiste réside précisément dans sa capacité à être un concepteur pluridisciplinaire, mais aussi un véritable médiateur entre les différents acteurs du territoire pour dénouer des situations de conflits d’usages. En ce sens, de nombreux jeunes paysagistes ont pris l’espace littoral comme sujet dans le cadre de leurs diplômes de fin d’études, tentant de développer de nouvelles visions et de nouvelles manières d’aménager les espaces littoraux sur différents territoires :
- Camille Piot, ayant présenté son travail dans la Lettre des Lagunes de mars 2018, a construit une vision collective et prospective de l’ancien golfe de Narbonne, en prenant en compte les effets futurs liés au changement climatique et à la montée du niveau de la mer.
- Manuella Tessier a travaillé sur la submersion marine et le territoire de l’île de Ré. L’objectif est de proposer une nouveau modèle de gestion et d’aménagement moins coûteux que les digues et faisant de la submersion temporaire un événement révélateur du socle géographique de ce territoire insulaire.
- Tristan Geffray a réalisé son diplôme sur la recomposition de la ville de Brest par l’implantation d’une forêt urbaine littorale le long de la Penfeld (fleuve côtier), dans un contexte de pression foncière liée au déplacement de l’activité militaire hors du centre-ville.
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Ken Novellas