Faisant suite au programme LARIMED I (2019-2021), LARIMED II 2022-2024 (financé par l’OFB et les DREALs Occitanie et PACA) vise à maintenir l’effort de suivi des sites de nidification des colonies de laro-limicoles selon le protocole standardisé, mis en œuvre depuis 2011.
Ce protocole de suivi long terme à pied et pour certains sites en drone ou autogyre, permet de voir précisément une évolution des effectifs nicheurs de ces espèces sur les sites littoraux méditerranéens français. Il permet d’estimer de manière objective l’effectif nicheur réel sur la façade suivi sur 5 semaines et d’évaluer la productivité sur un maximum de sites (suivi sur 2 semaines). Il est optimisé sur le pic de nidification de ces oiseaux, partagé entre les équipes de suiveurs (suivi hebdomadaire des couples nicheurs de la 20e à la 24e semaine et estimation de la productivité basée sur le comptage des poussins de 3 et 4 semaines).
Chaque année le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie réalise un bilan du suivi qu’il expose aux partenaires du programme, et relève auprès d’eux : les travaux de gestion menés sur les sites de reproduction (entretien des ilots, mise en défens), les problèmes rencontrés lors des suivis et partage les consignes à suivre pour la nouvelle saison.
Bilan
2023 est une année fortement marquée par la grippe aviaire qui a affecté plus ou moins fortement les populations de ces 9 espèces nicheuses. Parmi celles-ci, la mouette mélanocéphale a été la plus touchée, à l’inverse les effectifs de la sterne naine et du goéland railleur ont bondi, atteignant des taux record depuis la mise en place du suivi.
Les dates de pics d’installation des espèces suivies sont restées dans les moyennes constatées depuis 11 ans et les effectifs nicheurs étaient stabilisés sur la façade. Les productivités de ces espèces ont été les pires enregistrées depuis le début des suivis, hormis pour la Mouette rieuse.
A l’échelle française et internationale, les résultats obtenus en 2023 pour la Méditerranée restent néanmoins encourageants. Pour rappel, les actions de restauration, de création d’ilots et de mises en défens des colonies conduites depuis 2011 en particulier dans le cadre des programmes Feder puis du Life+ ENVOLL, ont permis de retrouver des effectifs nicheurs, tels que ceux connus dans les années 1980, avec une stabilisation au-dessus de 20 000 couples pour la 4eme année consécutive. Bien que 2023 soit marquée par ces fortes mortalités liées à la grippe aviaire, les effectifs 2023 sont de 21 697 couples recensés au pic d’installation (versus 24 186 couples en 2022, et 22 303 en 2021).
En 2024, les efforts de mise en défens par les gestionnaires sont poursuivis sur de nombreux sites : Tartuguières (étang de l’Or), 12ha sur le lido de l’étang de Vic, sur le lido et les tocs de Thau, au Grau de Pissevaches, sur le site de Portiragnes, de Torreilles (2ha), de Coudalère à l’étang de Salses-Leucate (avec des balises nautiques et des filets), et sur l‘étang de Canet en fonction des installations.
En résumé du suivi réalisé en 2023 par espèce :
- Goéland d’Audouin : installé sur une digue avec des difficultés d’accès (terrain militaire), la petite colonie retrouvée en Corse montre des effectifs stables avec une quarantaine de couples, souvent isolés, et sans nouvelle installation.
- Mouette rieuse : 3371 couples ont été dénombrés en 2023 contre 4 544 en 2022 et 1850 couples vingt ans auparavant, l’effectif reste relativement stable. L’espèce est largement distribuée sur la façade avec de nombreux sites. Le cœur des populations est l’étang de l’Or, la petite Camargue, le secteur du Scamandre-Charnier dans le Gard et les Bouches du Rhône où les effectifs sont plus élevés.
- Mouette mélanocéphale : avec 7159 couples nicheurs contre 7597 en 2022, c’est l’espèce qui a été la plus impactée par la grippe aviaire, avec 16 colonies au pic contre 34 en 2022. Elles nichent principalement sur des sites à l’Etang de l’Or et en petite Camargue avec moins d’éparpillement des colonies et des colonies plus denses.
- Goéland railleur: Avec un effectif de 1903 couples nicheurs au pic contre 1847 en 2022, la tendance reste à la progression bien que cette espèce ait été bien impactée par la grippe aviaire. 11 colonies ont été comptabilisées au pic, et l’installation était peu synchronisée sur la façade avec les sites de salins de Berre, salins d’Hyères, et Salins d’Aigues Mortes et Grand Bastit. Ce Goéland n’est pas venu dans l’Aude cette année.
- Sterne pierregarin : Les effectifs sont encore en baisse avec 1861 couples au pic (versus 2181 en 2022). Beaucoup d’échecs ont été observés en cours de saison (effet coups de mer sur Thau, météo…), et près de 300 couples ont été perdus. C’est aussi la stratégie de cette espèce de s’installer en bordure de l’eau, de se réinstaller ensuite après un échec, ce qui entraine une production parfois plus tardive. Cette espèce est retrouvée sur toute la façade, présente sur tous les sites, 3 petites colonies sur les iles Lavezzi en Corse, une colonie dans les Alpes maritimes qui n’a cependant pas été comptabilisée dans le suivi (avec au moins 75 couples en avril-mai). Vu les échanges de cette espèce entre certains sites varois, il serait intéressant de maintenir un effort de suivi sur certains sites rocheux qu’elle semble coloniser.
- Sterne naine : L’effectif nicheur s’était stabilisé depuis 2016 mais connaît en 2023 une explosion avec 1613 couples au pic (contre 1055 en 2022), ce qui est encourageant et positif pour cette espèce en Méditerranée française vu les effectifs dénombrés par ailleurs en Europe. La provenance de ces oiseaux plus nombreux que les années précédentes est inconnue. L’espèce s’installe partout sur la façade, d’autre part elle a été observée comme très mobile entre les sites qu’elle occupe. Peu de colonies étaient installées au pic (34) et les plus grandes se sont installées en Camargue.
- Sterne Hansel : Ses effectifs sont en baisse au pic (N= 1751, versus 1975 en 2022) mais encore proches du maximum connu. Très peu de colonies (9) ont été dénombrées au pic, mais elles étaient bien présentes sur les sites qu’elles occupent habituellement et avec des effectifs concentrés sur la Petite Camargue, l’étang de l’Or et Bouches du Rhône (+ de 50% des effectifs totaux).
- La Sterne Caugek : Les effectifs restent fluctuants d’une année à l’autre pour cette espèce (N=2582 versus 3332 en 2022). Cette année, elle a été bien touchée par la grippe aviaire en début d’épidémie. Cosmopolite, elle circule sur de nombreux de sites, mais seulement 4 colonies ont été dénombrées au pic d’installation, avec 98% de la population cantonnée dans l’Hérault essentiellement concentrée sur le lido de Thau (comme en 2022) et le Bastit à l’étang de l’Or.
- Avocette : Les effectifs de couples nicheurs sont toujours fluctuants ces dernières années. En 2023 ils sont moins nombreux au pic (N= 1457, versus 1629 en 2022). 105 sites dénombrés avec une bonne répartition des effectifs sur l’ensemble de la façade. Le pic d’installation est décalé de 2 semaines entre Occitanie et la PACA. Pour cette espèce, il reste néanmoins difficile de voir et dénombrer les poussins à l’envol.
Retour sur les populations impactées par la grippe aviaire (H5N1)
- 2023 a été l’année la pire en terme de productivité depuis le début du suivi. Hormis la Mouette Rieuse, les productivités des espèces étaient en dessous de 0,2 poussins/couple. Pour certaines espèces c’est toute la population qui a été touchée par le virus, pour d’autres qu’une partie. Et cela reste à relativiser sur les populations qui se sont installées très tardivement avec une réussite de reproduction tardive (sternes pierregarin et caugek en particulier).
- Sur le site du Bastit (étang de l’Or), 2 stratégies ont été observées : Les goélands railleurs sont partis quand leurs poussins mourraient, alors que pour d’autres espèces, les parents ont continué à nourrir jusqu’à l’envol de leurs jeunes, mais avaient des poussins très faibles à l’envol.
- Cinétique de l’épidémie : quelques cas de mortalités en semaine 19, plus de 100 cas en semaine 20, puis décroissance lente jusqu‘à quelques signalements à partir des semaines 25 et 26.
A l’échelle interrégionale : Les oiseaux circulaient sur toute la façade, il y a eu des exports d’oiseaux malades. Les mortalités ont été variables et étalés de manières différentes suivant les espèces. Le goéland leucophée a été peu touché comparé aux petits laridés très impactés. Pour certains les succès de reproduction ont été plus tardifs. Ce sont essentiellement les poussins qui ont été touchés.
Sur la région Centre Val de Loire et la Bretagne, les espèces ont été très impactées également.
Au niveau international : la grippe aviaire est bien présente depuis 2016, avec de gros pics en 2020, 2021. En 2022 et 2023 les pics ont été moins forts.
Suivis du déplacement des espèces :
- Le projet MigraLion a permis de suivre 6 sternes Caugek équipées le 5 juillet 2023 (projet éolien et Migralion). Les données ont été récoltées entre le 28/07/23 et 01/01/24 soit 23 à 180 jours de suivi, ce qui permet de voir les stratégies migratoires. Il a été observé une traversée de la Méditerranée tout droit depuis le Maroc et que ces sternes utilisent beaucoup de cours d’eau pour entrer dans les terres.
- D’autre part 8 sternes Hansel ont été équipées de balises GPS en petite Camargue dans le cadre de ce projet.
- En 2024, 10 individus devaient être équipés dans le cadre de Migralion mais des problèmes liés à la fiabilité du matériel ont conduit à l’abandon de cette action.
➡ En savoir plus : 1er rapport d’analyse des données acquises sur la première année du programme MigraLion (2022) pour le lot 3 – Télémétrie
- Contact
Olivier Scher
- En savoir plus
Les bilans sont disponibles en téléchargement sur le portail oiseaux marins de l’OFB