L’épopée des canards…ou comment reproduire la dérive des tapis d’algues libres dans l’étang
Date de publication : 03/11/2014
Episode 1 : Adoptez-les
Des petits canards jaunes en plastique qui dérivent sur l’étang de Berre ? Effet d’optique ? Abus de jaune ? Imaginaire débordant ? Rassurez-vous, c’est une véritable expérience scientifique…
Le GIPREB, syndicat mixte pour la réhabilitation de l’étang de Berre, du jeudi 24 juillet et tout au long de l’été, lance un appel à témoins pour retrouver ses petits canards…
Il s’agit pour le Gipreb de reproduire avec des canards, la dérive des tapis de macroalgues comme les ulves. Les modèles simples de dérive sont basés sur le suivi spatial et temporel de la trajectoire en mer au cours du temps de flotteurs mis à l’eau en un point A et retrouvés en un point B. Outre un code d’identification, les petits canards ont un ruban message, appelant les personnes les ayant retrouvés sur le rivage à le signaler au Gipreb.
Le déversement accidentel en 1992 d’un container libérant une flottille de 29 000 jouets de bain dans l’Océan Pacifique a montré toutes les potentialités du canard en plastique pour ce type d’expérimentation. Depuis, plusieurs lâchers de canards, à buts scientifiques, se sont succédé, notamment dans l’Arctique (par les glaciologues de la NASA), pour suivre les trajectoires de fonte des glaciers.
Episode 2 : Que sont-ils devenus ?
Jeudi 24 juillet, 90 canards numérotés, se sont éparpillés dans l’étang de Berre, au gré du vent et des courants.
Les numéros 1 sont partis en premier, il va sans dire… tout droit vers la piste d’atterrissage de l’aéroport de Marignane…mais juste avant de s’envoler vers d’autres horizons, en apercevant la plage des marettes à Vitrolles, ils se sont dit « quel coin paradisiaque ici » et ils ont bifurqué à gauche jusqu’à la plage des Vignettes où les pêcheurs les attendaient… Il était presque 20 heures. « J’avais entendu sur France Bleu Provence que le Gipreb faisait une expérience avec les canards, alors quand je les ai vu arriver à 50 mètres, je n’ai pas été étonné… J’en ai ramassé 5 et d’autres pêcheurs en ont fait de même » raconte Jacques Coutant, heureux d’avoir retrouvé le canard muni d’une balise. Mais comme il se doit, il y a toujours le petit canard qui ne fait pas comme les autres et il s’en est trouvé un qui au lieu de suivre tranquillement à la « queue leu leu » a décidé d’aller directement au port de la pointe à Berre l’Etang, pour s’embarquer peut-être sur un navire ou regagner vite la terre ferme…
Les n°2 ont mis longtemps à donner de leurs nouvelles. On a bien cru qu’ils avaient disparu… Ils ont refait surface entre les Merveilles et la Durancole à Berre l’Etang…
Quant aux n°3, ce sont eux qui ont été les premiers ramassés à Saint-Chamas, aux Palous. Espérons qu’ils n’ont pas perturbé les sternes naines… Là encore, un petit canard a quitté le groupe pour s’en aller au port des Heures Claires à Istres… amateur de plaisance, sans doute…
Episode 3 : Dernier lâcher estival
Lundi 18 août, par temps calme, les n°3 repartent du centre de l’étang, les n°4 et les n°5 s’élancent eux aussi dans l’aventure… les numéros 4 sont lâchés dans l’anse du Ranquet, quant aux numéros 5, ils partent d’en face de la Mède…
C’est sans hésitation que les n°3 se dirigent vers la centrale EDF de Saint-Chamas mais trouvent-ils les rejets d’eau douce trop chargés de limons ? Toujours est-il qu’ils font demi-tour et cap sur Saint-Mitre les Remparts… Bien sûr quelques paresseux préfèrent tenter l’approche vers le fond de l’anse des Merveilles…
Les n°4 ont reproduit la trajectoire du précédent lâcher : de l’anse du Ranquet, direct vers la petite Camargue.
Les n°5, en face de la Mède ont été aspirés par des courants contradictoires ! Pire que le triangle des Bermudes… Certains sont partis vers le Jaï, d’autres vers la centrale Edf rejoindre les n°3, d’autres encore vers les n°3 partis sur Saint-Mitre…Et il y a ceux qui ont voulu voir la grande Méditerranée et qui n’ont pas eu peur de s’engouffrer dans le chenal de Caronte à Martigues et ceux qui ont opté pour la plage de Figuerolles ou l’anse de Tholon pour un cours de voile, peut-être… Très désordonnés ces n°5 !!!
Quelles premières conclusions ?
Les objectifs de l’expérimentation ont été réalisés avec un excellent taux de retour des signalisations (plus d’un sur deux) et une participation enthousiaste ; les médias se sont fait l’écho de cette expérience et les riverains se sont prêtés au jeu.
Les résultats sont cohérents et valides, avec en bonus l’obtention de trajectoires complètes, grâce aux balises GPS toutes retrouvées.
Le déplacement de la masse d’eau de surface est conditionné par le vent lorsque une direction est dominante ; en revanche, en l’absence de dominante, des mouvements de convection (courants marins) se mettent en place et permettent une distribution des eaux de surface dans toutes les directions, bien mis en évidence par les lots 3 et 5 du deuxième lâcher, et dans la quasi-totalité des secteurs de l’étang ; on retrouve ces mouvements principalement au sud (coin salé) et au centre du grand étang;
Il semble donc intéressant de poursuivre l’expérimentation avec d’autres types de scénarios (conditions de vent fort, immersion simultanée de deux traceurs gps en surface et sub-surface,…). Un projet pourrait même voir le jour en 2015 entre le Gipreb et l’université avec des bouées dérivantes spécifiques.
Enfin, l’ensemble des données récoltées sera mis en relation avec les différents scénarios de courantologie déjà identifiés et simulés grâce au modèle de circulation hydrodynamique dont dispose le Gipreb.
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