
13 octobre 2025 – OFB, Pérols
Cette journée d’échanges, organisée par le Pôle-relais lagunes méditerranéennes (CEN Occitanie) dans le cadre du projet Life Biodiv’France coordonné par l’OFB, a rassemblé 39 participants issus des sphères scientifiques et techniques autour d’un objectif commun : mieux intégrer la continuité écologique piscicole dans la gestion des marais littoraux.
Faisant suite au webinaire du 26 juin dernier, cette rencontre a permis de partager les connaissances actuelles sur la migration de l’anguille, de présenter des outils de suivi et d’aide à la décision et de favoriser les échanges entre gestionnaires et scientifiques pour une meilleure prise en compte opérationnelle de cet enjeu.

Les résultats d’une enquête conduite dans le cadre du Life Biov’France, auprès de 20 structures gestionnaires, portant sur 182 ouvrages hydrauliques en lagunes et marais littoraux ont été présentés. Cette enquête, menée par le Pôle-relais lagunes méditerranéennes (CEN Occitanie) vise à dresser un état des lieux des pratiques et outils de gestion liés à la continuité écologique piscicole dans les 3 régions méditerranéennes. Cet état des lieux est notamment requis dans le cadre de la feuille de route du Groupe de travail « Anguilles en lagunes » coordonné par l’association Migrateurs Rhône Méditerranée.
Les résultats montrent une gouvernance globalement solide : bonne connaissance des ouvrages, existence d’instances de gestion de l’eau, multiplication des plans de gestion depuis 2017 et forte implication des gestionnaires.
Cependant, l’intégration de la continuité écologique piscicole reste encore partielle et souvent indirecte, abordée au travers d’autres enjeux (qualité de l’eau, biodiversité, adaptation au changement climatique).
Les freins identifiés :
- méconnaissance des besoins biologiques des migrateurs (fenêtres migratoires, caractéristiques de franchissabilité, rôle fonctionnel des marais)
- conflits avec d’autres usages ou contraintes locales (gestion hydraulique, salinité, enjeux agricoles ou patrimoniaux)
- absence d’outils partagés permettant de suivre et d’évaluer les effets des actions
Ces constats ont servi de base aux échanges de la journée et soulignent la nécessité :
- de renforcer la place des migrateurs amphihalins (notamment l’anguille) dans les futurs plans de gestion
- de former et accompagner les gestionnaires pour mieux appréhender le potentiel d’accueil piscicole des marais
- de développer des outils communs (diagnostic, instrumentation, suivi des manipulations) pour objectiver les décisions de gestion
- de poursuivre la construction d’une culture commune entre scientifiques et gestionnaires à travers des temps d’échanges réguliers
Aspects techniques et biologiques de la continuité : un lien renforcé entre science et gestion
Les échanges ont souligné l’importance de mieux relier les connaissances scientifiques aux pratiques de terrain.
Les chercheurs ont rappelé que la compréhension fine du cycle biologique de l’anguille, de ses besoins migratoires et des facteurs déclenchants (hydraulique, température, salinité) est essentielle pour adapter la gestion des ouvrages. Il reste néanmoins indispensable d’acquérir des données sur le milieu pour évaluer la qualité de l’accueil en marais littoraux avant de gérer hydrauliquement les marais à la faveur de plus de continuité écologique pour les poissons migrateurs. L’évaluation de la franchissabilité des vannes et clapets nécessite une approche croisée entre hydraulique et biologie : mesurer les vitesses d’écoulement, les niveaux d’eau amont/aval et les capacités de nage des différents stades de développement (notamment les civelles). Ces paramètres permettent de définir des règles de gestion plus adaptées, comme l’ajustement des ouvertures pour créer des conditions favorables au passage des poissons.
Plusieurs solutions techniques ont été discutées :
- la gestion fine des ouvrages (calendriers d’ouverture, abaissements ciblés) reste souvent la plus efficace ;
- des dispositifs dédiés, comme les passes à poissons à brosses, peuvent compléter cette gestion lorsque la “transparence hydraulique” n’est pas atteignable ;
- un compromis raisonné est nécessaire entre objectifs écologiques, contraintes locales et autres usages de l’eau.
Les interventions ont également insisté sur la nécessité de suivre les populations et les flux migratoires.
Les méthodes disponibles – des plus simples (flottangs, pièges à civelles) aux plus sophistiquées (télémétrie, capture-marquage-recapture) – offrent des solutions adaptées à chaque contexte.
Ces retours d’expérience scientifiques constituent des ressources précieuses pour les gestionnaires, qui peuvent s’en inspirer pour concevoir leurs propres dispositifs de suivi, mutualiser les moyens et objectiver leurs décisions de gestion.
Des outils opérationnels en développement
L’après-midi a été consacrée à deux ateliers techniques :
- Atelier 1 : présentation d’un outil d’évaluation du potentiel d’accueil de l’anguille et d’un formulaire de suivi des ouvrages hydrauliques. Ces outils visent à faciliter le diagnostic du potentiel d’accueil piscicole, le suivi des manipulations d’ouvrages et la priorisation des actions à l’échelle des marais. Il a ainsi été évoqué la nécessité de compiler les données physico-chimiques réalisée dans le cadre du suivi FILMED en lagunes, complétées des données de gestion des ouvrages, pour que le modèle livre un premier diagnostic des marais littoraux au fil des saisons. Ainsi, les structures en charge des suivis des sites seront autonomes face aux résultats apportés par ces outils d’aide à la gestion des ouvrages et du potentiel d’accueil piscicole des unités hydrauliques.
- Atelier 2 : retour d’expérience sur le Marais de Brouage (Charente-Maritime), illustrant les compromis nécessaires entre gestion hydraulique, usages et continuité piscicole, et l’importance de l’instrumentation pour objectiver les décisions.
Ces retours ont montré la nécessité d’une connaissance fine des niveaux d’eau et des flux, ainsi qu’une approche pragmatique de la franchissabilité des ouvrages, adaptée à chaque contexte local.

Conclusions et perspectives de la journée
- Des outils concrets émergent : un modèle d’évaluation du potentiel d’accueil de l’anguille et un outil de suivi des manipulations d’ouvrages hydrauliques sont en développement pour aider les gestionnaires dans leurs diagnostics et actions. L’OFB publiera également d’ici fin 2025 deux synthèses sur les populations piscicoles en marais littoraux avec l’appui du bureau d’études ECOGEA.
- Le besoin d’harmoniser les méthodes de diagnostics et de favoriser la circulation des données entre les territoires (à l’échelle des différentes façades mais aussi locale) ;
- L’importance du portage stratégique, les résultats des différents travaux engagés devront être intégrés dans les stratégies de bassin (notamment le futur Plagepomi à venir pour la période 2028-2033) et soutenus par les acteurs institutionnels (DREAL, Agences de l’eau) pour favoriser le passage à l’action (restauration, instrumentation etc.).
- Une dynamique collective forte, la mobilisation et la richesse des échanges témoignent d’une motivation partagée pour faire avancer la prise en compte de la continuité piscicole dans la gestion des marais littoraux.
Le Pôle-relais lagunes méditerranéennes remercie vivement l’ensemble des intervenants, participants et partenaires pour leur contribution afin de faire progresser collectivement la continuité piscicole en marais littoraux.
- Supports et rediffusion
Télécharger les présentations de la journée :
➞ Ouvrages prioritaires en lagunes et marais littoraux : constats de l’enquête et actions prévues au Life Biodiv’France (C. Rondeau & N. Barré, Pôle-relais lagunes méditerranéennes – CEN Occitanie)
➞ Gestion des ouvrages en marais : défis et solutions pour l’ichtyofaune (P. Barran, ECOGEA)
➞ Fenêtre de migration de l’anguille européenne en lagunes & marais littoraux : bilan des études et perspectives méthodologiques (D. Nicolas, Tour du Valat & E. Amilhat Université de Perpignan – CEFREM)
➞ Gestion hydraulique et anguilles : retours d’expérience au Vaccarès, contraintes et pistes d’action (C. Lefebvre, MRM)
➞ Mise en place de la base de données de suivi de la continuité écologique et du potentiel d’accueil des marais littoraux pour les poissons migrateurs et notamment de l’anguille européenne (N. Millan, Pôle-relais lagunes méditerranéennes – CEN Occitanie & M. Bossaert, CEN Occitanie)
Voir la rediffusion des interventions :